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Li'TTKC DE IJALZAC A CORNF.ILLE. 319

les malades: il l'ait que les paralytiques i)atteiit des mains: il rend la parole à un muet, co serait trop peu de dire à un enrhumé. En effet, j'avais perdu la parole avec la voix, et puisque je les recouvre l'une et l'autre par votre moyen, il est bien juste que je les emploie toutes deux à votre gloire, et à dire sans cesse : La belle chose ! Vous avez peur néanmoins d'être de ceux qui sont accablés par la majesté des sujets qu'ils traitent, et ne pensez pas avoir apporté assez de force pour soutenir la grandeur romaine. Quoique celte modestie me plaise, elle ne me persuade pas, et je m'y oppose pour l'intérêt de la vérité. Vous êtes trop subtil examinateur d'une composition universellement approuvée, et s'il était vrai (]u'en (juehju'une de ses parties vous eussiez senti quclcjuc faiblesse, ce serait un secret entre vos muses et vous, car je vous assure que personne ne l'a reconnue. La faiblesse serait de notre expression, et non pas de votre pensée; elle viendrait du défaut des instruments, et non pas de la faute de l'ouvrier : il faudrait en accuser Tin- capacité de notre langue.

Vous nous faites voir Rome tout ce qu'elle peut être à Paris, et ne l'avez point brisée en la remuant. Ce n'est point une Rome de Cassiodore^, et aussi déchirée qu'elle était aux siècles des Théodorics ; c'est une Rome de Tite- Live, et aussi pompeuse qu'elle était au temps des premiers Césars. Vous avez même trouvé ce (ju'elle avait perdu dans les ruines de la république, cette noble et magnanime fierté, et il se voit bien quelques passables traducteurs de ses paroles et de ses locutions, mais vous êtes le vrai et le fidèle inter- prète de son esprit et de son courage. Je dis plus, monsieur ; vous êtes sou- vent son pédagogue, et l'avertissez de la bienséance quand elle ne s'en souvient pas. Vous êtes le réformateur du vieux temps, s'il a besoin d'embel- lissement ou d'appui. Aux endroits où Rome est de brique, vous la rebâtissez de marbre : quand vous trouvez du vide, vous le remplissez d'un chef- d'œuvre, et je prends garde que ce que vous prêtez à l'histoire est toujours meilleur que ce que vous empruntez d'elle.

La femme d'Horace et la maîtresse de Cinna, qui sont vos deux vérita- bles enfantements, et les deux pures créatures de votre esprit, ne sont-elles pas aussi les principaux ornements de vos deux poèmes? Et qu'est-ce que la sainte anti([uité a produit de vigoureux et de ferme dans le sexe faible qui soit comparable à ces nouvelles héroïnes que vous avez mises au monde, à ces Romaines de votre façon? Je ne m'ennuie point depuis quinze jours de considérer celle que j'ai reçue la dernière.

Je l'ai fait admirer à tous les habiles de notre province : nos orateurs et nos poètes en disent merveilles; mais un docteur de mes voisins, qui se met d'ordinaire sur le haut style, en parle certes d'une étrange sorte, et il n'y a point de mal que vous sachiez jusqu'où vous avez porté son esprit, lise con- tentait le premier jour de dire (pie votre Emilie était la rivale de Caton et

��familière ; et, comme dit M. l'abbé d'Olivet, Balzac écrivait une lettre comme Lingendes faisait un sermon ou un panégyrique : il s'étudiait à prodiguer les figures. {JSote de Voltaire.)

1. Pourquoi parler deïhéodoric et deCassiodorc quand il s'agit d'Auguste ? (/rf.)

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