Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/293

Cette page n’a pas encore été corrigée

ACTE I, SCiiNE III. 283

Et lu seras unie avec ton Curiace

Sans (|u'aucun mauvais sort t'en sépare jamais.

On pourrait souhaiter que cet oracle eût été plutôt rendu dans un temple que par un Grec qui fait des prédictions au pied d'une montagne. Remarquons encore qu'un oracle doit produire un événement et servir au nœud de la pièce, et qu'ici il ne sert presque ci rien qu'à donner un moment d'espérance.

J'oserais encore dire que ces mots à double entente, sans qu'au- cun mauvais sort t'en sépare jamais, paraissent seulement une plai- santerie amère, une équivoque cruelle, sur la destinée malheu- reuse de Camille.

Le i)lus grand défaut de cette scène, c'est son inutilité. Cet entretien de Camille et de Julie roule sur un objet trop mince, et qui ne sert en rien, ni au nœud, ni au dénoûment. Julie veut pénétrer le secret de Camille, et savoir si elle aime un autre que Curiace : rien n'est moins tragique.

Vers 71. 11 me parla d'amour sans me donner d'ennui... Je ne lui pus montrer de mépris ni de glace.

On pourrait faire ici une réflexion que je ne hasarde qu'avec la défiance convenable: c'est que Camille était plus en droit de laisser paraître son indifi"érence pour Valère que de l'écouter avec complaisance ; c'est qu'il était même plus naturel de lui montrer de la glace, quand elle se croyait sûre d'épouser son amant, que de faire bon visage à un homme qui lui déplaît ; et enfin ce trait raffiné marque plus de subtilité que de sentiment : il n'y a rien là de tragique ; mais ce vers.

Tout ce que je voyois me sembloit Curiace,

est si beau qu'il semble tout excuser.

Il est vrai que ce petit incident, qui ne consiste que dans la joie que Camille a ressentie, ne produit aucun événement, et n'est pas nécessaire à la pièce ; mais il produit des sentiments. Ajoutons que dans un premier acte on permet des incidents de peu d'importance qu'on ne souffrirait pas dans le cours d'une intrigue tragique.

Vers 76. J'en sus hier la nouvelle, et je n'y pris pas garde.

Elle ne prend pas garde à une bataille qui va se donner! Le spectacle de deux armées prêtes à combattre, et le danger de son amant, ne devaient-ils pas autant l'alarmer que le discours d'un

�� �