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SUR LES PENSEES DE PASCAL. i9

probabilité pour lui que ces accidents n'arriveront pas, que de raisons de crainte qu'ils n'arrivent. F.

Eh ! comment est-il plus probable que tu n'auras pas la pierre, ia goutte, la fistule, la dysenterie, la fièvre putride, qu'il n'est probal)le que tu ne les auras pas, mon cher Chinois? A .

LIIL — Je conviens encore que je ne vois point d'impossibilité ni de répugnance physique dans la supposition de votre système. F.

Un philosophe chinois devrait voir une répugnance physique, métaphysique, morale, entre un Être bon et des supplices infinis en durée et en douleurs. V.

LIV. — En un mot, au lieu que jusqu'ici je me suis estimé un homme parfaitement heureux, je ristjue de devenir, par les suites, de toutes les créa- tures la plus misérable; et s'il se trouvait qu'enfin mon espérance fût vaine, n'est-il pas vrai que j'aurais sacrifié tout ce qu'on peut sacrifier de réel, noi> seulement contre le néant, mais même contre la plus grande de toutes les misères? Le beau trait de sagesse! F.

Si j'avais été Chinois, j'aurais ajouté : Mon révérend bonze de Dominique ou d'Ignace, vous ne m'avez proposé que la moitié de la question. Non-seulement vous nous placez ici entre le néant et Dieu, mais entre le néant et votre Dieu. Or, hier un kutuctu (le Tartarie, un talapoin de Siam, un brame de Coromandcl, un sunnite de Turquie, un bonze du Japon, me tinrent les mêmes discours; je les envoyai tous promener : soulTrez que je vous lasse le même compliment. V.

LV. — A risquer un bonheur réel, quelque mince qu'il fût, contre la chi- mère la plus magnifique et la plus flatteuse que l'esprit humain puisse ima- giner, il n'y a aucune proportion, aucune espérance de gagner, ni par consé- quent aucune raison qui puisse porter un homme de bon sens à prendre ce parti.

Ce raisonnement de mon ami, ou plutôt de son philosophe chinois, paraît décisif contre l'argument de M. Locke. F.

Aussi Locke ne faisait pas grand cas de cet argument ; il ne comparait même qu'un scélérat à un homme de bien. Il est clair en effet qu'il vaut mieux être un Trajan ou un Marc-Aurèle, dans quelque système que ce soit, que d'être un Néi^on ou un pape Alexandre VI. Ce pape et cet empereur Néron doivent craindre d'avoir une àme immortelle. Les gens de bien n'ont rien à craindre dans aucun système. V.

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