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276 REMAHOUES SUR LES HORACES.

Je suis Roinaitic, hélas! i)uis(|ue mon époux l'est, etc.

Pourquoi peut-on iiiiii' uu ncis par je le suis, et que mon époux l'est est prosaïque, faible et dur? C'est que ces trois syi- labcs je le suis semblent ne composer qu'un mot; c'est que l'o- reille n'est point blessée; mais ce mot l'est, détaclié et finissant la phrase, détruit toute harmonie. C'est cette attention qui rend la lecture des vers ou agréable ou rebutante. On doit même avoir cette attention en prose. Ln ouvrage dont les phrases finiraient par des syllabes sèches et dures ne pourrait être lu, quelque bon qu'il fût d'ailleurs.

Vers 30. Albo, mon cher pays et mon premier amour,

Lorsque entre nous et loi je vois la guerre ouverte, .le crains notre victoire autant f|ue notre perle.

Voyez comme ces vers sont supérieurs à ceux du commence- ment. C'est ici un sentiment vrai ; il n'y a point là de lieux com- muns, point de vaines sentences, rien de recherché, ni dans les idées ni dans les expressions. Albe, mon cher pays; c'est la nature seule qui parle. Cette comparaison de Corneille avec lui-même formera mieux le goût que toutes les dissertations et les poé- tiques.

Vers 34. Fais-toi des ennemis que je puisse haïr.

Ce vers admirable est resté en proverbe ^

Vers 58. Sa joie éclatera dans l'heur de ses enfants.

Ce mot heur, qui favorisait la versification, et qui ne choque point l'oreille, est aujourd'hui banni de notre langue. Il serait à souhaiter que la plupart des termes dont Corneille s'est servi fussent en usage. Son nom devrait consacrer ceux qui ne sont pas rebutants.

Remarquez que dans ces premières pages vous trouverez rarement un mauvais vers, une expression louche, un mot hors de sa place, pas une rime en épithète; et que, malgré la prodi- gieuse contrainte de la rime, chaque vers dit quelque chose. Il n'est pas toujours vrai que dans notre poésie il y ait continuelle-

��1. Un câiholifjuc, qui avait cpousé une protestante et à qui Ton disait que par son mariage il trahissait sa religion, répondit par ces deux vers de Corneille:

Romo, si tu te plains que c'est là te trahir, Fais-toi des ennoinis que je puisse liuir.

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