Scène V.
Vers 11. | Quoi! madame, est-ce ainsi qu’il faut dissimuler? |
Et faut-il perdre ainsi des menaces en l’air? |
J’ai déjà dit[1] que je ne ferais aucune remarque sur le style de cette tragédie, qui est vicieux presque d’un bout à l’autre. J’observerai seulement ici, à propos de ces rimes dissimuler et en l’air, qu’alors on prononçait dissimulair pour rimer à l’air. J’ajouterai qu’on a été longtemps dans le préjugé que la rime doit être pour les yeux. C’est pour cette raison qu’on faisait rimer cher à bûcher. Il est indubitable que la rime n’a été inventée que pour l’oreille. C’est le retour des mêmes sons, ou des sons à peu près semblables qu’on demande, et non pas le retour des mêmes lettres. On fait rimer abhorre, qui a deux rr, avec encore, qui n’en a qu’une : par la même raison terre peut rimer à père; mais je me hâte ne peut rimer avec je me flatte, parce que flatte est bref, et hâte est long[2].
Vers 41. | Cette lâche ennemie a peur des grands courages, etc. |
Cela est imité de Sénèque, et enchérit encore sur le mauvais goût de l’original : Fortuna fortes metuit, ignavos premit[3]. Corneille appelle la Fortune lâche. Toutes les tragédies qui précédèrent sa Médée sont remplies d’exemples de ce faux bel-esprit. Ces puérilités furent si longtemps en vogue que l’abbé Cotin, du temps même de Boileau et de Molière, donna à la fièvre l’épithète d’ingrate; cette ingrate de fièvre qui attaquait insolemment le beau corps de Mlle de Guise, où elle était si bien logée.
Vers 48. | Dans un si grand revers que vous reste-t-il? — Moi. |
Moi, dis-je, et c’est assez. |
Ce moi est célèbre. C’est le Medea superest de Sénèque[4]; ce qui suit est encore une traduction de Sénèque; mais dans l’original et dans la traduction ces vers affaiblissent la grande idée que