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REMARQUES SUR MÉDÉE.

Scène II.


Vers 4. Depuis que mon esprit est capable de flamme,
  Jamais un trouble égal n’a confondu mon âme.

Cette scène, où Jason débute par dire que son esprit est capable de flamme, est entièrement inutile. Et ces scènes, qui ne sont que de liaison, jettent un peu de froid dans nos meilleures tragédies, qui ne sont point soutenues par le grand appareil du théâtre grec, par la magnificence des chœurs, et qui ne sont que des dialogues sur des planches.


Scène III.


Vers 19. Vous le saurez après, je ne veux rien pour rien.

On sent assez que ce vers est plus fait pour la farce que pour la tragédie. Mais nous n’insistons pas sur les fautes de style et de langage.


Scène IV.


Vers 4. Souverains protecteurs des lois de l’hyménée,
  Dieux, garants de la foi que Jason m’a donnée, etc.

Voici des vers qui annoncent Corneille. Ce monologue est tout entier imité de celui de Sénèque le Tragique[1]:

Dii conjugales, tuque genialis tori
Lucina custos...

Rien n’est plus difficile que de traduire les vers latins et grecs en vers français rimes. On est presque toujours obligé de dire en deux lignes ce que les anciens ont dit en une. Il y a très-peu de rimes dans le style noble, comme je le remarque ailleurs[2]; et nous avons même beaucoup de mots auxquels on ne peut rimer : aussi le poète est rarement le maître de ses expressions. J’ose affirmer qu’il n’est point de langue dans laquelle la versification ait plus d’entraves.

  1. Médée, acte I, scène i.
  2. Voyez remarques sur la scène 1re du Ve acte de Rodogune.