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fut suivie du Cid. Il n’eut ainsi d’abord à s’occuper que des chefs-d’œuvre, et son ardeur avait de quoi se soutenir ; aussi écrivait-il alors : « C’est avec un plaisir extrême que je commente Corneille[1]. » Mais quand il en fut à Pertharite, le dégoût put venir, et Voltaire trouva que « c’est une terrible entreprise de commenter trente-deux pièces[2], dont vingt-deux ne sont pas supportables et ne méritent pas d’être lues[3] ». En reprenant son commentaire, il ne dut pas y trouver beaucoup de charmes, et l’humeur du commentateur rejaillit quelquefois sur l’auteur.

Enfin, au bout de trois ans, parut l’édition du Théâtre de Pierre Corneille, avec des commentaires, etc., etc., 1764, douze volumes in-8°. Cette édition produisit cent mille francs de bénéfice, partagés entre le libraire et Mlle  Corneille[4], dont la dot s’éleva environ à quarante mille écus[5]. Une seconde édition, augmentée, s’imprimait en 1773[6], et parut en 1774, en huit volumes in-4°. De Tournes et Panckoucke, qui avaient fait cette édition, n’en donnèrent qu’un seul exemplaire à Voltaire. « Si j’en avais deux, écrivait-il à d’Argental, il y a longtemps que vous auriez le vôtre[7]. »

Ces éditions de 1764, douze volumes in-8°, et de 1774, huit volumes in-4°, furent les seules que donna Voltaire. Ses Commentaires sur le théâtre ont été admis dans les éditions des Œuvres de Pierre Corneille, publiées par Palissot (qui ajouta des Observations sur ces Commentaires), 1801, douze volumes in-8° ; par M. A.-A. Renouard, 1817, douze volumes in-8° ; et chez M. Lefèvre, 1824, douze volumes in-8°, faisant partie de sa Collection des classiques français.

Du vivant de Voltaire, et dès 1764, on avait imprimé séparément, c’est-à-dire sans le texte de Corneille, le Commentaire ou les notes de Voltaire.

L’édition encadrée des Œuvres de Voltaire (1775, in-8°) ne contient que les préfaces de Voltaire sur les pièces de Corneille. Les éditions de Kehl sont les premières qui donnent le Commentaire complet.

Ce Commentaire entrepris, comme je l’ai dit, dans l’intention d’être utile à une parente éloignée des descendants de Pierre Corneille, ne l’a été, suivant quelques personnes, que dans l’intention de dénigrer un homme qui sera toujours le père du théâtre[8]. Le commentateur, il est vrai, ne dissimule pas les défauts, mais il ne refuse pas les éloges. « Je traite, dit-il, Corneille tantôt comme un dieu, tantôt comme un cheval de carrosse[9]……

  1. Lettre à d’Argental, du 8 juillet 1761.
  2. Corneille a composé trente-trois pièces de théâtre, ainsi que le dit Voltaire au mot Corneille, dans la Liste des écrivains, en tête du Siècle de Louis XIV, tome XIV.
  3. Lettre à d’Argental, du 28 septembre 1761.
  4. Lettre à Laharpe, du 22 janvier 1773.
  5. Lettre à Choiseul, du 1er  avril 1768.
  6. Lettre à Laharpe, du 22 janvier 1773.
  7. Lettre du 16 avril 1775.
  8. Expressions de Voltaire dans sa Liste des écrivains, en tête du Siècle de Louis XIV. Voyez tome XIV.
  9. Lettre à d’Argental, du 31 auguste 1761.