Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce qui existe n’est qu’un mode de Dieu. Ainsi, comme l’a très-bien remarqué Bayle[1], le Dieu de Spinosa étant tout, il se bat lui-même quand les hommes se battent ; il se calomnie, il se tue, il se mange, il se boit, il se vide de ses excréments. Le plus énorme ridicule est évidemment renfermé dans les lemmes et les théorèmes métaphysiques de Spinosa ; et avec cela il veut qu’on serve et qu’on aime Dieu sincèrement, et sans intérêt. Il dit expressément qu’il l’aime ainsi, N’est-ce pas une folie raisonnée ? Je m’en rapporte à tout homme éclairé et sage.

Ce qui a séduit plusieurs lecteurs, c’est son grand principe qu’une substance n’en peut créer une autre. En effet cette opération ne se conçoit pas par notre faible entendement, et aucun philosophe de l’antiquité ne l’admet. Aussi Spinosa se moque-t-il de la création proprement dite comme de la plus extravagante chimère qui soit passée par la tête des hommes. Il perd sa modération de philosophe quand il en parle. Voici ses paroles :

« On n’est pas excusable de se laisser conduire dans une opinion aussi absurde et aussi essentiellement contradictoire que celle de la création. »

Nous verrons, dans son lieu, ce qu’il est peut-être permis à d’aussi faibles créatures que nous d’oser penser sur la manière dont nous et les autres créatures nous avons pu recevoir l’existence.

IV.

Disons ici un mot du livre intitulé Système de la nature[2]. C’est une déclamation, ce n’est point un système. Déclamer contre Dieu n’est point prouver qu’il n’y a point de Dieu.

(Le reste manque.)
  1. Dictionnaire historique et critique, article Spinosa, remarque N, paragraphe iv.
  2. Voltaire a parlé du Système de la nature, tome XVIII, page 309.