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LE SYSTÈME
VRAISEMBLABLE[1]
(fragment.)


I.

Puisque Brama, Zoroastre, Pythagore, Thalès, et tant de Grecs, et tant de Français et d’Allemands, ont fait chacun leur système, pourquoi n’en ferait-on pas aussi ? Chacun a le droit de chercher le mot de l’énigme.

Voici l’énigme. Il faut avouer qu’elle est difficile.

Il y a des milliasses de globes lumineux dans l’espace, et de ces globes nous en connaissons environ douze mille par le secours des télescopes, en comptant les deux mille qu’on a découverts dans l’Orion. Les anciens n’en connaissaient que mille et vingt-deux. Chacun de ces soleils, placé à des distances effroyables, a autour de lui des mondes qu’il éclaire, qui tournent autour de sa sphère, qui gravitent sur lui, et sur lesquels il gravite.

Parmi tous ces globes innombrables, parmi tous ces mondes roulant dans l’espace, asservis tous aux mêmes lois, jouissant de la même lumière, nous roulons nous autres dans notre coin de l’univers autour de notre soleil.

La matière dont notre globe et tous ses habitants sont composés est telle qu’elle contient beaucoup plus de pores, d’interstices, de vide, que de solide. Notre monde et nous, nous ne sommes que des cribles, des espèces de réseaux.

Notre terre et nos mers, tournant perpétuellement d’occident en orient, laissent échapper sans relâche une foule de particules

  1. Je publie cet écrit d’après un manuscrit, écrit de la main de Wagnière, que m’a communiqué Decroix, l’un des éditeurs de Kehl. L’auteur avait d’abord intitulé son ouvrage le Système à mon tour. Mais sur l’original les mots à mon tour sont effacés, et on lit au-dessus, de la main de Voltaire, vraisemblable. Quelques autres mots sont aussi corrigés de la même main. (B.)