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devenir égaux aux grands ; ils s’en détachent ensuite, parce qu’ils sont écrasés par les grands.

Le rachat des péchés est un encouragement au péché. Il vaut mieux s’en tenir à dire : « Dieu vous ordonne d’être juste, » que d’aller jusqu’à dire : « Dieu vous pardonnera d’avoir été injuste. »

La force et la faiblesse arrangent le monde. S’il n’y avait que force, tous les hommes combattraient ; mais Dieu a donné la faiblesse ainsi le monde est composé d’ânes qui portent, et d’hommes qui chargent.

L’homme n’est point né méchant : tous les enfants sont innocents ; tous les jeunes gens, confiants, et prodiguant leur amitié ; les gens mariés aiment leurs enfants ; la pitié est dans tous les cœurs les tyrans seuls corrompirent le monde. On inventa les prêtres pour les opposer aux tyrans ; les prêtres furent pires. Que reste-t-il aux hommes ? La philosophie.

Les jansénistes ont servi à l’éloquence, et non à la philosophie.

Il est égal pour le peuple non pensant qu’on lui donne des vérités ou des erreurs à croire, de la sagesse ou de la folie ; il suivra également l’un ou l’autre : il n’est que machine aveugle. Il n’en est pas ainsi du peuple pensant ; il examine quelquefois, il commence par douter d’une légende absurde, et malheureusement cette légende est prise par lui pour la religion ; alors il dit : Il n’y a point de religion, et il s’abandonne au crime. Celui qui doute à Naples de la réalité du miracle de saint Janvier[1] est près d’être athée ; celui qui s’en moque en d’autres pays peut être un homme très-religieux.

Nous avons beaucoup d’erreurs, dit milord Orrery ; mais elles sont humaines, et nos principes sont divins.

La plupart des victoires sont comme celles de Cadmus : il en naît des ennemis.

Un simple imitateur est un estomac ruiné qui rend l’aliment comme il le reçoit : un plagiaire est un faussaire.

  1. Voyez la note, tome XIII, pages 96-97.