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AVERTISSEMENT[1]

Il est un homme de l’ancienne chevalerie et de l’ancienne vertu, constitué dans une espèce de dignité qui ne peut guère être exercée que par un ou deux hommes de son siècle[2].

Cet homme, égal à Pascal en plusieurs choses, et très-supérieur en d’autres, fit présent, en 1776, à quelques-uns de ses amis, d’un recueil nouvellement imprimé de toutes les pensées de ce fameux Pascal.

La plupart de ses monuments de philosophie et de religion, ou avaient été négligés par les rédacteurs pour ne laisser paraitre que certains morceaux choisis, ou avaient été supprimés par la crainte d’irriter la fureur des jésuites : car les jésuites persécutaient alors avec autant de pouvoir que d’acharnement la mémoire de Pascal, et Arnauld fugitif, et les débris de Port-Royal détruit, et les cendres des morts, dont on violait la sépulture.

La persécution religieuse qui souilla malheureusement, et en tant de manières, la fin du beau règne de Louis XIV, fit place au règne des plaisirs sous Philippe d’Orléans, régent du royaume, et recommença sourdement après lui, sous le ministère d’un prêtre longtemps abbé de cour.

Fleury ne fut pas un cardinal tyran, mais c’était un petit génie, entêté des prétentions de la cour de Rome, et assez faible pour croire les jansénistes dangereux.

Ces fanatiques avaient autrefois obtenu une assez grande considération par les Pascal, les Arnauld, les Nicole même, et quelques autres chefs de parti, ou éloquents, ou qui en avaient la réputation.

Mais des convulsionnaires des rues ayant succédé aux Pères de cette Église, le jansénisme tomba avec eux dans la fange. Les jésuites insultèrent à leurs ennemis vaincus. Je me souviens que le jésuite Buffier, qui venait quelquefois chez le dernier président de Maisons, mort trop jeune, y ayant rencontré un des plus rudes jansénistes, lui dit : Et ego in interitu vestro ridebo vos, et subsannabo. Le jeune Maisons, qui étudiait alors Térence, lui demanda si ce passage était des Adelphes ou de l’Eunuque. « Non, dit Buffier.

  1. Il est de Voltaire.
  2. Condorcet. Voltaire veut dire que Condorcet était secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences.