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tant de services ? Celle qu’on devait attendre de Constantius et des eunuques qui régnaient sous son nom. On lui retira les troupes qu’il avait formées, et avec lesquelles il avait étendu les limites de l’empire. Constantius eut à se repentir de son injustice imprudente. Ces troupes ne voulurent point partir, et déclarèrent Julien empereur en 360 ; Constantius mourut l’année suivante. Telle était la probité reconnue de Julien que les plus insignes calomniateurs de ce grand homme ne l’accusèrent pas d’avoir eu la moindre part à la mort toute naturelle du bourreau de son père et de ses frères. Il n’y eut que le déclamateur infâme saint Grégoire de Nazianze qui osa laisser échapper quelques soupçons de poison, soupçons qui furent étouffés par le cri universel de la vérité.

Julien gouverna l’empire comme il avait gouverné la Gaule. Il commença par faire punir les délateurs et les financiers oppresseurs. Au faste asiatique de la cour des Constantin succéda la simplicité des Marc-Aurèle. S’il força les tribunaux à être justes, et s’il rendit la cour plus vertueuse, ce ne fut que par son exemple. S’il donna la préférence à la religion de ses ancêtres, à cette religion des Scipion, des Caton, et des Antonins, sur une secte nouvelle échappée d’un village juif, il ne contraignit jamais aucun chrétien d’abjurer. Au contraire, ses exemples de clémence sont sans nombre, quoi qu’en ait dit la rage de quelques chrétiens persécuteurs, qui auraient bien voulu que Julien eût été persécuteur comme eux. Ils n’ont pu s’inscrire en faux contre le pardon qu’il accorda dans Antioche à un nommé Thalassius, qui avait été son ennemi déclaré du temps de l’empereur Constantius. Les citoyens se plaignirent que ce Thalassius les avait opprimés. « Il m’a opprimé aussi, dit Julien, et je l’oublie. » Un autre, nommé Théodote, vint se jeter à ses pieds, et lui avoua qu’il l’avait calomnié sous le précédent règne. « Je le savais, répondit l’empereur ; vous ne me calomnierez plus. »

Enfin dix soldats chrétiens ayant conspiré contre sa vie, il se contenta leur dire : « Apprenez que ma vie est nécessaire, pour que je marche à votre tête contre les Perses. »

Nous ne nous abaisserons pas jusqu’à réfuter les absurdités vomies contre sa mémoire, comme la femme qu’il immola à la lune pour revenir vainqueur des Perses, et son sang qu’il jeta contre le ciel, en s’écriant : « Tu as vaincu, Galiléen ! » On ne peut comparer l’horreur et le ridicule des calomnies dont il fut chargé par des écrivains nommés Pères de l’Église, qu’aux impostures vomies par nos moines contre Mahomet II, après la prise de