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la mer. Constantin triomphait, et faisait triompher la religion chrétienne sans la professer. Il prenait toujours le titre de grand-pontife des Romains, et gouvernait réellement l’Église. Ce mélange est singulier, mais il est évidemment d’un homme qui voulait être le maître partout.

Cette Église, à peine établie, était déchirée par les disputes de ses prêtres, devenus presque tous sophistes, depuis que le platonisme avait renforcé le christianisme, et que Platon était devenu le premier Père de l’Église. La principale querelle était entre le prêtre Arious, prêtre des Chrétiens d’Alexandrie (car chaque Église n’avait qu’un prêtre), et Alexander, évêque de la même ville. Le sujet était digne des argumentants. Il s’agissait de savoir bien clairement si Jésu, devenu verbe, était de la même substance que Dieu le Père, ou d’une substance toute semblable. Cette question ressemblait assez à cette autre de l’école : Utrum chimaera bombinans in vacuo possit comedere secundas intentiones. L’empereur sentit parfaitement tout le ridicule de la dispute qui divisait les chrétiens d’Alexandrie et de toutes les autres villes. Il écrivit aux disputeurs : « Vous êtes peu sages de vous quereller pour des choses incompréhensibles. Il est indigne de la gravité de vos ministères de vous quereller pour un sujet si mince. »

Il paraît par cette expression, sujet si mince, que l’assassin de toute sa famille, uniquement occupé de son pouvoir, s’embarrassait très peu dans le fond si le verbe était consubstantiel ou non, et qu’il faisait peu de cas des prêtres et des évêques, qui mettaient tout en feu pour une syllabe à laquelle il était impossible d’attacher une idée intelligible. Mais sa vanité, qui égala toujours sa cruauté et sa mollesse, fut flattée de présider au grand concile de Nicée. Il se déclara tantôt pour Athanase, successeur d’Alexander dans l’Église d’Alexandrie, tantôt pour Arious ; il les exila l’un après l’autre ; il envenima lui-même la querelle qu’il voulait apaiser, et qui n’est pas encore terminée parmi nous, du moins dans le clergé anglican : car pour nos deux chambres du parlement, et nos campagnards qui chassent au renard, ils ne s’inquiètent guère de la consubstantialité du verbe.

Il y a deux miracles très remarquables, opérés au concile de Nicée par les Pères orthodoxes, car les Pères hérétiques ne font jamais de miracles. Le premier, rapporté dans l’appendix du concile, est la manière dont on s’y prit pour distinguer les Évangiles, et les autres livres recevables, des Évangiles et des autres livres apocryphes. On les mit tous, comme on sait, pêle-mêle sur un autel ; on invoqua le Saint-Esprit : les apocryphes tombèrent