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dans l’air immédiatement au-dessus du soleil. Ce labarum était orné de son chiffre, car on sait que Jésu-Christ avait un chiffre. Cet étendard fut vu d’une grande partie des soldats gaulois, et ils en lurent distinctement l’inscription, qui était en grec. Nous ne devons pas douter qu’il n’y eût aussi plusieurs de nos compatriotes dans cette armée, qui lurent cette légende : Vaincs en ceci ; car nous nous piquons d’entendre le grec beaucoup mieux que nos voisins.

On ne nous a pas appris positivement en quel lieu et en quelle année ce merveilleux étendard parut au-dessus du soleil. Les uns disent que c’était à Besançon, les autres vers Trèves, d’autres près de Cologne ; d’autres, dans ces trois villes à la fois, en l’honneur de la sainte Trinité.

Eusèbe l’arien, dans son Histoire de l’Église[1], dit qu’il tenait le conte du labarum de la bouche même de Constantin, et que ce véridique empereur l’avait assuré que jamais les soldats qui portaient cette enseigne n’étaient blessés. Nous croyons aisément que Constantin se fit un plaisir de tromper un prêtre : ce n’était qu’un rendu. Scipion l’Africain persuada bien à son armée qu’il avait un commerce intime avec les dieux, et il ne fut ni le premier ni le dernier qui abusa de la crédulité du vulgaire. Constantin était vainqueur, il lui était permis de tout dire. Si Maxence avait vaincu, Maxence aurait reçu sans doute un étendard de la main de Jupiter.


Chapitre XVIII. Du concile de Nicée.

Constantin, vainqueur et assassin de tous côtés, protégeait hautement les chrétiens, qui l’avaient très bien servi. Cette faveur était juste s’il était reconnaissant, et prudente s’il était politique. Dès que les chrétiens furent les maîtres, ils oublièrent le précepte de Jésu et de tant de philosophes, de pardonner à leurs ennemis. Ils poursuivirent tous les restes de la maison de Dioclétien et de ses domestiques. Tous ceux qu’ils rencontrèrent furent massacrés Le corps sanglant de Valérie, fille de Dioclétien, et celui de sa mère, furent traînés dans les rues de Thessalonique, et jetés dans

  1. Eusèbe rapporte bien ce fait, mais c’est dans la Vie de Constantin, livre I, chap. xxviii.