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Egypte, et où une foule innombrable de ces émigrants s’enfuit au travers de la mer, étaient les temps où les arts furent le plus cultivés dans ce beau climat, et où les prodiges de Tarcbitecture » de la sculpture et de la peinture, quoique grossières, auraient dû fixer l’attention de tout écrivain profane ; mais l’auteur, uniquement occupé du peuple Israélite, néglige tout le reste. Il n’a devant les yeux que les déserts consacrés dans lesquels il va conduire ces émigrants, et où ils vont mourir. Nous restons dans une ignorance entière de toutes les choses dont il aurait pu nous instruire. Nous sommes avec lui en Egypte, et nous ne la connaissons pas. Contentons-nous de bien connaître les Juifs ; mais déplorons la perte de sept cent mille volumes amassés dans les siècles suivants par les rois d’Egypte : ils auraient instruit l’univers. Il ne nous reste que l’incertitude et les regrets.

Tous ceux qui étaient sortis de Jacob étaient au nombre de soixante et dix personnes quand Joseph demeurait en égypte. [1] après sa mort et celle de ses freres, et celle de toute cette race, les enfans d’Israël s’accrurent, se multiplierent comme des plantes, se fortifierent et remplirent cette terre. Or il s’éleva un nouveau roi dans l’égypte qui ignorait Joseph [2], et il dit à son peuple. Voilà le peuple des enfans d’Israël qui est plus fort que nous. Venez, opprimons-les sagement, de peur qu’ils ne se multiplient, et, si nous avons une guerre, qu’ils ne se joignent à nos ennemis, et qu’après nous avoir vaincus ils ne sortent de l’égypte [3]. Il établit donc sur eux des intendants de leurs travaux, et il

  1. il n’est pas aisé de nombrer ces soixante et dix personnes sorties de Jacob. Cependant saint étienne dans son discours en compte soixante et quinze. (Note de voltaire.)
  2. il y a une grande dispute entre les savants pour savoir quel était ce nouveau roi. Manéthon dit qu’il vint de l’orient des hommes inconnus qui détronerent la race des pharaons du temps d’un nommé Timaüs, que ce roi s’appellait Salathis, qu’il s’établit à Memphis, c’est-à-dire à Moph nommé Memphis par les grecs, et que les rois de la race de Salathis régnerent deux cent cinquante ans : mais ensuite il dit qu’ils posséderent l’égypte cinq cents onze ans. Après quoi ils furent chassés. L’historien Flavien Joseph dit tout le contraire, et prétend que cette nation venue d’orient était celle des israëlites. Lorsque les événemens sont obscurs dans une histoire, que faire ? Il faut les regarder comme obscurs. (id.)
  3. ce roi tient là un singulier discours. Il semble qu’au lieu de craindre que les israëlites vainqueurs ne s’en allassent, il devait craindre qu’ils ne restassent, et qu’ils ne regnassent à sa place : on ne s’enfuit gueres d’un beau pays dont on s’est rendu le maître. (id.)