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En ce temps là Juda alla en Canaan, et ayant vu la fille d’un cananéen nommé Sua il la prit pour sa femme et entra dans elle, et en eut un fils nommé Her, et un autre fils nommé Onan, et un troisieme appellé Séla [1]..

    égyptiens et par les grecs tartare, Ténare, ades, séjour du Styx et de l’Achéron, lieu où vont les ames après leur mort, royaume de Pluton et de Proserpine, caverne des damnés, champs élizées, etc… il est indubitable que les juifs n’avaient aucune idée d’un pareil enfer, et qu’il n’y a pas un seul mot dans tout le pentateuque qui ait le moindre rapport ou avec l’enfer des anciens, ou avec le nôtre, ou avec l’immortalité de l’ame, ou avec les peines et les récompenses après la mort. Ceux qui ont voulu tirer de ce mot shéol traduit par le mot infernum une induction que notre enfer était connu de l’auteur du pentateuque, ont eu une intention très louable et que nous révérons ; mais c’est au fond une ignorance très grossiere ; et nous ne devons chercher que la vérité. Le cilice, dont se revêt Jacob après avoir déchiré ses vêtemens, a fourni de nouvelles armes aux critiques, qui veulent que le pentateuque n’ait été écrit que dans des siecles très postérieurs. Le cilice était une étoffe de Cilicie ; et la Cilicie n’était pas connue des hébreux avant Esdras. Il y avait deux sortes d’étoffes nommées cilices, l’une très fine et très belle, tissue de poil d’antelop, ou de chevre sauvage, appellée mo dans l’Asie Mineure, d’où nous vient la véritable moëre, à laquelle nous avons substitué une étoffe de soie calendrée. L’autre cilice était une étoffe plus grossiere, faite avec du poil de chevre commune, et qui servit aux paysans et aux moines. Les critiques disent qu’aucune de ces étoffes n’étant connue des premiers juifs, c’est une nouvelle preuve évidente que le pentateuque n’est ni de Moyse, ni d’aucun auteur de ces temps-là. Nous répondons toujours que l’auteur sacré parle par anticipation ; et qu’aucune critique, quelque vraisemblable qu’elle puisse être, ne doit ébranler notre foi. Il leur paraît encore improbable que les rois d’égypte eussent déjà des eunuques. Ce raffinement affreux de volupté et de jalousie est, à la vérité, fort ancien ; mais il suppose de grands royaumes très peuplés et très riches. Il est difficile de concilier cette grande population de l’égypte du temps de Jacob, avec le petit nombre du peuple de Dieu qui ne consistait qu’en quatorze mâles. On a déjà répondu à cette question par le petit nombre des élus. (Note de Voltaire.)

  1. le seigneur a beau défendre à ses patriarches de prendre des filles cananéennes ; ils en prennent souvent. Juda, après la mort de son fils ainé Her, donne la veuve à son second fils Onan, afin qu’Onan lui fasse des enfans qui hériteront du mort. Cette coutume n’était point encore établie dans la race d’Abraham et d’Isaac ; et l’auteur sacré parle par anticipation, comme nous l’avons déjà remarqué plusieurs fois * Voyez entre autres, page 12.. Les commentateurs prétendent que cette Thamar fut bien maltraitée par ses deux maris ; que Her, le premier, la traitait en sodomite, et que le second ne voulait jamais consommer l’acte du mariage dans le vase convenable, mais répandait sa semence à terre. Le texte ne dit pas positivement que Her traitait sa femme à la maniere des sodomites ; mais il se sert de la même expression qui est employée pour désigner le crime de Sodome. à l’égard du péché d’Onan, il est expressément énoncé. C’est une chose bien singuliere que Thamar, ayant été si maltraitée par les deux enfans de Juda, veuille ensuite coucher avec le pere, sous prétexte, qu’il ne lui a point donné son troisieme fils Séla qui n’était pas encore en âge. Elle