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as-tu fait cela ? Ne t’ai-je pas servi pour Rachel ? Pourquoi m’as-tu trompé ; Laban répondit : ce n’est pas notre coutume dans ce lieu de marier les jeunes filles avant les ainées. Acheve ta premiere semaine le mariage avec Lia, et je te donnerai Rachel pour un nouveau travail de sept ans. Jacob accepta la proposition ; et au bout de la semaine il épousa Rachel. Et Jacob, ayant fait les noces avec Rachel qu’il aimait, servit encore Laban pendant sept autres années [1]. Mais Dieu, voyant que Jacob méprisait Lia, ouvrit sa matrice, tandis que Rachel demeurait stérile. Lia fit quatre enfans de suite, Ruben, Siméon, Lévi et Juda. Rachel dit à son mari : fais-moi des enfans, ou je mourrai. Jacob en colere répondit : me prens-tu donc pour un Dieu ? Est-ce moi qui t’ôte le fruit de ton ventre ? Rachel lui dit : j’ai Bala ma servante ; entre dans elle [2] ; qu’elle enfante sur mes genoux et que j’aie des fils d’elle. Et Jacob, ayant pris Bala, elle accoucha de Dan. Bala fit encore un autre enfant ; et Rachel dit : le seigneur m’a fait combattre contre ma sœur ; c’est pourquoi le nom de cet enfant sera Nephtali. Lia, voyant qu’elle ne fesait plus d’enfans, donna Zelpha sa servante à son mari ; et Zelpha, ayant accouché, Lia dit : cela est heureux et appella l’enfant Gad. Zelpha accoucha encore, et Lia dit : ceci est encor plus heureux ; c’est pourquoi on appellera l’enfant Azer. Or Ruben, étant allé dans les champs pendant la moisson du froment, il trouva des mandragores [3]. Rachel eut envie d’en manger, et dit à Lia

  1. voilà donc Jacob, le pere de la nation juive, qui se fait valet pendant quatorze ans pour avoir une femme. Les origines de toutes les nations sont petites et barbares, mais il n’en est aucune qui ressemble à celle-ci. (Note de Voltaire.)
  2. non seulement Jacob épouse à la fois deux sœurs, dans un temps où l’on suppose que la terre était très peuplée ; mais il joint à cet inceste l’incontinence de coucher avec la servante de Rachel, et ensuite avec la servante de Lia. On a prétendu que tout cela était permis par les coutumes des juifs ; mais il n’y a point de loi positive qui le dise ; nous n’en avons que des exemples. On épousait les deux sœurs ; on épousait sa propre sœur ; on couchait avec ses servantes. Telles étaient les mœurs juives ; nos loix sont différentes. (Id.)
  3. dans des temps très postérieurs, les racines de mandragores ont passé pour être prolifiques. C’est une erreur de l’ancienne médecine ; c’est ainsi qu’on a cru que le satyrion et les mouches cantarides* excitaient à la copulation ; mais de pareilles rêveries ne furent débitées que dans les grandes villes, où la débauche payait le charlatanisme. C’est encore une des raisons qui ont fait penser aux critiques que les évenemens de la genese n’avaient pu arriver, et qu’ils n’avaient pu être écrits dans le temps où l’on fait vivre Moyse : mais cette critique nous * Les cantharide ont un effet très-réel, mais elle n’agissent qu’en causant une irritation violente dans l’urêtre, irritation qui cause souvent des maladies graves (K.)