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ET DE L'HUMANITÉ. 551

damna le prétendu sorcier à être brûlé vif, et le cardinal de Richelieu, qui, après avoir fait tant de livres de théologie, tant de mauvais vers, et tant d'actions cruelles, délégua son Lauhar- demont pour faire exorciser des religieuses, chasser des diables, et brûler un prêtre.

Ce qui peut encore être plus étrange, c'est que, dans notre siècle, où la raison semble avoir fait quelques progrès, on a imprimé, en 17/i9, un Examen des diables de Loudun, par M. Ménardaie\ prêtre. Et dans cet examen on prouve, par plusieurs passages des Cas de Pontas -, que Grandier avait en effet mis quatorze diables dans le corps de ces quatorze nonnes, et qu'il mourut possédé du quinzième. M. de Ménardaie, prêtre, n'était pas sorcier.

Quant au procès du curé Gaufridi ou Gaufredi, dans Marseille, et à son épouvantable supplice en 1611, il avait été encore plus absurde et plus inhumain : car le parlement le condamna à être tenaillé dans toutes les parties de son corps avec des tenailles ardentes, avant d'être jeté vivant dans le bûcher, a pour répara- tion d'avoir fait pacte et convention avec le malin esprit à Teifet de jouir de Magdeleine La Palud, religieuse ursuline, et d'attirer à son amour toutes autres femmes ou filles qu'il désirerait ». Voilà bien des ursulines ensorcelées.

De pareilles horreurs couvraient alors la face de toutes les contrées de la communion romaine. Il ne faut pas s'en étonner, puisque chez nos voisins, chez nos frères, dans Genève même, en 1652, on persuada à une pauvre femme, nommée Michelle Chaudron, qu'elle était sorcière, qu'elle avait un pacte avec le diable, et les marques sataniques sur le corps.-En conséquence on eut la féroce imbécillité de la brûler, mais au moins ce fut après l'avoir étranglée.

Rappelons dans notre continent la mémoire des singuhères fureurs qu'étala, il y a un siècle, la démence de la superstition dans ces mêmes contrées septentrionales de l'Amérique, aujour- d'hui ensanglantées par une guerre civile. Cette scène infernale commença dans le petit pays de Salem, comme celle de la capitale de France, par un prêtre nommé Paris, et par des convulsions. Cet énergumène s'imagina que tous les habitants étaient possédés

��commissaire-instructeur. La condamnation de Grandier fut prononcée le 18 au- guste 1634, par une commission de quatorze magistrats.

1. Voyez la note, tome XXIV, page 475.

2. Jean Pontas, né dans le diocèse d'Avranches en 1038, mort en 1718, est au- teur d'un Dictionnaire des cas de conscience, dont la première édition est de 1715, deux volumes in-folio; et la dernière, de 1741, trois volumes in-folio.

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