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vœu au seigneur, disant : Dieu demeure avec moi ; s’il me conduit dans mes voyages, s’il me donne du pain pour manger et des habits pour me couvrir, et si je reviens sain et sauf chez mon pere, le seigneur alors sera mon Dieu [1] ; et cette pierre, que j’ai érigée en monument, s’appellera la maison de Dieu ; et je te donnerai la dixme de ce que tu m’auras donné [2]. Jacob, étant donc parti de ce lieu, il vit un puits dans un champ, près duquel étaient couchés trois troupeaux de brebis. Rachel arriva avec les troupeaux de son pere : car elle gardait ses moutons. Il abreuva son troupeau, et baisa Rachel, et lui dit qu’il était le frere de son pere et le fils de Rébecca. Or Laban avait deux filles, l’ainée était Lia, et la cadette était Rachel ; mais Lia avait les yeux chassieux, et Rachel était belle et bien faite. Jacob l’aima et dit à Laban : je te servirai sept ans pour Rachel, la plus jeune de tes filles. Laban lui dit : il vaut mieux que je te la donne qu’à un autre ; demeure avec moi. Jacob servit donc Laban sept ans pour Rachel ; et il dit à Laban : donne-moi ma femme ; mon temps est accompli je veux entrer à ma femme [3]. Laban invita grand nombre de ses amis au festin, et fit les noces. Mais le soir il lui amena Lia au lieu de Rachel [4] ; et Jacob ne s’en apperçut que le lendemain matin. Il dit à son beau-pere : pourquoi

    quer des bornes, soit pour indiquer des routes. Elles étaient réputées consacrées, les unes au soleil, les autres à la lune ou aux planetes. Les statues ne furent substituées à ces pierres que longtemps après. Sanconiaton parle des béthilles , qui étaient déjà sacrées de son temps.; (Note de Voltaire.)

  1. ce vœu de Jacob a paru fort singulier aux critiques : je t’adorerai, si tu me donnes du pain et un habit etc, semble dire : je ne t’adorerai pas, si tu ne me donnes rien. Les prophanes ont comparé ce discours de Jacob aux usages de ces peuples qui jettaient leurs idoles dans la riviere, lorsqu’elles ne leur avaient pas accordé de la pluie. Les mêmes critiques ont dit que ces paroles de Jacob étaient tout-à-fait dans son caractere, et qu’il fesait toujours bien ses marchés. (Id.)
  2. les mêmes critiques ont observé, qu’il est parlé déjà deux fois de dixmes offertes au seigneur ; la premiere, quand Abraham donne la dixme à Melchisédec, prêtre, roi de Salem ; et la seconde, quand Jacob promet la dixme de tout ce qu’il gagnera : ce qui a fait conjecturer mal-à-propos que cette histoire avait été composée par quelqu’un qui recevait la dime. (Id.)
  3. ce marché fait par Jacob avec Laban fait voir évidemment que Jacob n’avait rien, et que Laban avait très peu de chose. L’un se fait valet pendant sept ans pour avoir une fille ; et l’autre ne donne à sa fille aucune dot. Un pareil mariage ne semble pas présager l’empire de la terre entiere que Dieu avait promis tant de fois à Abraham, à Isaac et à Jacob. (Id.)
  4. Jacob, qui avait trompé son pere, trouve ici un beau-pere qui le trompe à son tour. Mais on ne conçoit pas plus comment Jacob ne s’apperçut pas de la friponnerie de Laban, en couchant avec Lia, qu’on ne conçoit comment Isaac ne s’était pas apperçu de la fripponnerie de Jacob. On n’attraperait personne aujourd’hui avec de pareilles fraudes ; mais ces temps-là n’étaient pas les nôtres. (Id.)