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D’ÉVHÉMÈRE.

sont des planètes qui circulent autour du soleil dans des courbes immenses, approchantes de la parabole : ils conjecturent qu’il y a tel de ces astres qui n’achève sa course qu’en plus de cent cinquante années. On a prédit leur retour comme on prédit les éclipses ; mais on n’a pu les prédire avec la même précision : il s’en faut de beaucoup.

Callicrate.

Je les prie d’excuser mon ignorance. Vous disiez qu’une comète tomba sur le soleil : qu’en arriva-t-il ? Ne fut-elle pas brûlée ?

Évhémère.

Le philosophe des Gaules suppose qu’elle ne fit qu’effleurer la superficie de ce puissant astre, et qu’elle en emporta un morceau dont la terre se forma[1]. Il y en eut même encore assez pour fournir à d’autres planètes. On peut juger si de grosses pièces détachées ainsi du soleil étaient chaudes. On conte qu’une certaine comète, passant auprès de cet astre, devint deux mille fois plus brûlante que le fer rouge, et ne put se refroidir qu’en cinquante mille années.

De là on peut conclure que notre terre, qui n’est pas trop chaude vers ses deux pôles, a mis plus de cinquante mille ans à se refroidir, puisque ces pôles sont froids comme glace. Elle arriva du soleil dans la place où elle est, toute vitrifiée, comme l’avait dit le philosophe allemand ; et c’est depuis ce temps-là qu’on fait du verre avec du sable.

Callicrate.

Il me semble que je lis les anciens poëtes grecs qui me disent pourquoi Apollon va se coucher tous les soirs dans la mer, et pourquoi Junon s’assied quelquefois sur l’arc-en-ciel. Franchement, vous ne voudriez pas me forcer à croire que la terre est de verre, et qu’elle est venue du soleil si chaude qu’elle n’est pas encore refroidie vers l’Éthiopie, tandis qu’on gèle dans le quartier des Lapons.

Évhémère.

Aussi l’auteur ne vous donne cette histoire de la terre que pour une hypothèse.

  1. Ces parties détachées du soleil n’auraient pu décrire que des orbites très-peu excentriques, comme le sont celles des planètes, et il est même presque impossible qu’elles ne tombassent point sur le soleil après une révolution. Ainsi la comète n’aurait produit tout au plus que d’autres comètes ; ce système, qui d’ailleurs est dénué de toute probabilité, est contraire aux lois du système du monde. (K.)