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SUR L'ESPRIT DES LOIS. 459

code salique si fameux commence par des cochons de lait, des porcs d'un an et de deux, des veaux engraissés, des bœufs et des moutons. On apprend du moins par là que le voleur d'un bœuf n'était condamné en justice qu'à trente-cinq sous, et que le voleur d'un taureau banal devait en payer quarante-cinq. Il en coûtait quinze pour avoir pris le couteau de son voisin. Le sou, solidum, d'argent, valait alors huit livres d'aujourd'hui.

On y trouve un article qui fait bien voir les mœurs du temps : c'est l'article xlv, qui traite des meurtres commis a table*. C'était donc un usage assez commun d'égorger ses convives.

Par l'article lviii-, il en coûte quatre cents sous pour avoir tué un diacre, et six cents pour avoir tué un prêtre. Il est donc clair que la loi salique ne fut établie qu'après que les Francs se furent soumis au christianisme. Au reste, on peut présumer que le cou- pable était pendu quand il n'avait pas de quoi payer. L'argent était si rare qu'on ne faisait justice que de ceux qui n'en avaient pas.

Par l'article LxvII^ une sorcière qui a mangé de la chair humaine paye deux cents sous. Il faut même, par l'énoncé, qu'elle ait mangé un homme tout entier : Si hominem comederit.

Ce n'est qu'à l'article lxii* qu'on trouve les deux lignes célèbres dont on fait l'application à la couronne de France : « De terra vero salica nulla portio hæreditatis mulieri veniat, sed ad virilem sextem tota terræ hæreditas perveniat ; que nulle portion d'héritage de terre salique n'aille à la femme, mais que tout l'héritage de la terre soit au sexe masculin. »

Ce texte n'a aucun rapport à ceux qui précèdent ou qui suivent. On pourrait soupçonner que Clotaire inséra ce passage dans le code franc pour se dispenser de donner la subsistance à ses nièces. Mais sa cruauté n'avait pas besoin de cet artifice : il n'avait pris aucun prétexte quand il égorgea ses deux neveux de sa propre main ; il avait affaire à deux filles dénuées de tout secours, et il les tenait en prison.

De plus, dans ce même passage qui ôte tout aux filles dans le petit pays des Francs-Saliens, il est dit : a S'il ne reste que des sœurs de père, qu'elles succèdent ; s'il n'y a que des sœurs de mère, qu'elles aient tout l'héritage. »

1. C'est dans l'édition Pithou que l'article xlv traite Des Meurtres commis à table, qui sont le sujet de l'article xlvi dans l'édition d'Hcrold.

2. Cet article n'est pas dans l'édition d'Hérold.

3. Ici, par faute de copiste, toutes les éditions que j'ai vues répètent lviii. C'est l'article lxvii des deux éditions de Pithou et d'Hérold. (B.)

4. C'est l'article lxii dans les deux éditions.

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