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456 COMMENTAIRE

DU CARACTÈRE DES AUTRES NATIONS.

Est-ce la sécheresse des deux Castilles et la fraîcheur des eaux du Guadalquivir qui rendirent les Espagnols si longtemps esclaves, tantôt des Carthaginois, tantôt des Romains, puis des Goths, des Arahes, et enfin de l'Inquisition ? Est-ce à leur climat ou à Christophe Colomb qu'ils doivent la possession du nouveau monde ?

Le climat de Rome n'a guère changé : cependant y a-t-il rien de plus bizarre que de voir aujourd'hui des zocolanti, des récol- lets, dans ce même Capitoleoù Paul-Émile triomphait de Persée, et où Cicéron lit entendre sa voix?

Depuis le x" siècle jusqu'au xvi% cent petits seigneurs et deux grands se disputèrent les villes de l'Italie par le fer et par le poi- son. Tout à coup cette Italie se remplit de grands artistes en tout genre. Aujourd'hui elle produit de charmantes cantatrices et des soneitieri. Cependant l'Apennin est toujours à la même place, et rÉridan, qui a changé son beau nom en celui de Pô, n'a pas changé son cours.

D'où vient que dans les restes de la forêt d'IIercynie, comme vers les Alpes, et sur les plaines arrosées par la Tamise, comme sur celles de Naples et de Capoue, le même abrutissement fana- tique parmi les peuples, les mêmes fraudes parmi les prêtres, la même ambition parmi les princes, ont également désolé tant de provinces fertiles et tant de bruyères incultes ? Pourquoi le terrain humide et le ciel nébuleux de l'Angleterre ont-ils été autrefois cédés par un acte authentique à un prêtre qui demeure au Vati- can? et pourquoi, par un acte semblable, les orangers devers Capoue, Naples, et Tarente, lui payent-ils encore un tribut? En bonne foi, ce n'est pas au chaud et au froid, au sec et à l'humide, qu'on doit attribuer de pareilles révolutions. Le sang de Conradin et de Frédéric d'Autriche a coulé sous la main des bourreaux, tandis que le sang de saint Janvier se liquéfiait à Naples dans un beau jour ; de même que les Anglais ont coupé la tête sur un billot à la reine Marie Stuart et à son petit-fils Charles l", sans s'informer si le vent soufflait du nord ou du midi.

Montesquieu, pour expliquer le pouvoir du climat, nous dit qu'il a fait geler une langue de mouton S et que les houppes ner- veuses de cette langue se sont manifestées sensiblement quand elle a été dégelée. Mais une langue de mouton n'expliquera jamais

1. Livre XIV, chapitre ii. {Xote de Voltaire.)

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