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4o0 COMMENTAIRE

bord de la Loire, suivi de sept cent mille Huns. Comment les aurait-il nourris? On ajoute qu'ayant perdu deux cent mille de ces Huns dans quelques escarmouches, il en perdit encore trois cent mille dans les champs catalauniques, qui sont inconnus; après quoi il alla mettre THlvrie en cendres, assiéger et détruire Aquilée, sans que personne l'en empêchât.

Et voilii justement comme on écrit l'histoire i.

Quoi qu'il en soit, ce fut dans ce bouleversement singulier de l'Europe que les Francs vinrent comme les autres prendre leur part au pillage. La province séquanaise était déjà envahie par des Bourguignons, qui ne savaient pas eux-mêmes leur origine. Des Visigoths s'emparaient d'une partie du Languedoc, de l'Aquitaine, e^: de l'Espagne. Le Vandale Genseric, qui s'était jeté sur l'Afrique, en partit par mer pour aller piller Rome sans aucune opposition, n y entra comme on vient dans une de ses maisons qu'on veut démeubler pour embellir une autre demeure. H fit enlever tout l'or, tout l'argent, tous les ornements précieux, malgré les larmes du pape Léon, qui avait composé avec Attila, et qui ne put fléchir Genseric.

Les Gaulois, qui ne s'étaient défendus ni contre les Bourgui- gnons ni contre les Goths, ne résistèrent pas plus aux Francs, qui arrivèrent l'an /t86, ayant à leur tête le jeune Clovis, âgé, dit-on, de quinze ans. H est à présumer qu'ils entrèrent d'abord dans la Gaule belgique en petit nombre, comme les ÎNormands entrèrent depuis dans la Neustrie, et que leur troupe augmenta de tous les brigands volontaires qui se joignirent à eux en che- min, dans l'espoir de la rapine, unique solde de tous les barbares.

Une preuve évidente que Clovis avait très-peu de troupes, c'est que dans la rédaction de la loi des Saliens-Francs, nommée com- munément la loi salique, faite sous ses successeurs, il est dit expressément : « C'est cette nation qui, en petit nombre, terrassa la puissance romaine : gens parva numéro. »

Il y avait encore un fantôme de commandant romain, nommé Siagrius, qui, dans la désolation générale, avait conservé quelques troupes gauloises sous les murs de Soissons ; elles ne résistèrent pas. Le même peuple qui avait coûté dix années de travaux et de négociations à César ne coûta qu'un jour à cette petite troupe de Francs. C'est que lorsque César les voulut subjuguer, ils

1. Chariot, acte I, scène vu.

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