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44â COMMENTAIRE

��DU CLIMAT.

��De tout temps on a su combien le sol, les eaux, l'atmosphère, les Tents, influent sur les végétaux, les animaux et les hommes. On sait assez qu'un Basque est aussi différent d'un Lapon qu'un Allemand l'est d'un Nègre, et qu'un coco l'est d'une nèfle. C'est à propos de l'influence du climat que Montesquieu examine, au chapitre xii du livre XIV, pourquoi les Anglais se tuent si délibé- rément. (( C'est, dit-il, Tefl^et d'une maladie. Il y a apparence que c'est un défaut de filtration du suc nerveux. » Les Anglais, en effet, appellent cette maladie spleen, qu'ils prononcent splin; ce mot signifie la rate^ Nos dames autrefois étaient malades de la rate. Molière a fait dire à des bouffons ^ :

Yeut-on qu'on rabatte Par des mo} ens doux Les vapeurs de rate Qui nous minent tous? Qu'on laisse Hippocrate, Et qu'on vienne à nous.

Nos Parisiennes étaient donc tourmentées de la rate ; à présent elles sont affligées de vapeurs ; et en aucun cas elles ne se tuaient. Les Anglais ont le splin ou la splin, et se tuent par humeur. Ils s'en vantent : car quiconque se pend à Londres, ou se noie, ou se tire un coup de pistolet, est mis dans la gazette.

Depuis la querelle de Philippe de Valois et d'Edouard III, pour la loi salique, les Anglais en ont toujours voulu aux Fran- çais; ils leur prirent non-seulement Calais, mais presque tous les mots de leur langue, et leurs maladies, et leurs modes, et prétendirent enfin l'honneur exclusif de se tuer. Mais si l'on voulait rabattre cet orgueil, on leur prouverait que, dans la seule année 1764, on a compté à Paris plus de cinquante personnes qui se sont donné la mort. On leur dirait que chaque année il y a douze suicides dans Genève, qui ne contient que vingt mille âmes, tandis que les gazettes ne comptent pas plus de suicides à Londres, qui renferme environ sept cent mille spleen ou splin.

Les climats nont guère changé depuis que Romulus et Rémus eurent une louve pour nourrice. Cependant pourquoi, si vous

\. Voltaire répète à peu près dans les mômes termes ce qu'il a dit tome XIX, page 555.

2. Amour médecin, acte III, scène viii.

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