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412 COMMENTAIRE

V.

Au lieu de continuer, je rencontre par hasard le chapitre ii du livre X, par lequel j'aurais dû commencer. C'est un singulier cours de droit puhlic. Voyons (page 155) :

« Entre les sociétés, le droit de la défense naturelle entraîne quelquefois la nécessité d'attaquer, lorsqu'un peuple ^ voit qu'un peuple voisin prospère, et qu'une plus longue paix mettrait ce peuple voisin en état de le détruire, etc. »

Si c'était Machiavel qui adressât ces paroles au bâtard abomi- nable de l'abominable pape Alexandre VI, je ne serais point étonné. C'est l'esprit des lois de Cartouche et de Desrues. Mais que cette maxime soit d'un homme comme Montesquieu ! on n'en croit pas ses yeux.

Je vois ensuite que, pour en adoucir la cruauté, il ajoute que (( l'attaque doit être faite ^ par ce peuple jaloux dans le moment où c'est le seul moyen d'empêcher sa destruction ». (Liv. X, chap. ii.)

Mais il me semble que c'est mal s'excuser, et bien évidemment se contredire. Car si vous ne tombez sur votre voisin que dans le seul moment où il va vous détruire, c'est donc lui qui vous attaquait en effet. Vous vous êtes donc borné à vous défendre contre votre ennemi.

Je vois que vous vous êtes laissé entraîner aux grands prin- cipes du machiavélisme : « Ruinez qui pourrait un jour vous ruiner; assassinez votre voisin, qui pourrait devenir assez fort pour vous tuer ; empoisonnez-le au plus vite, si vous craignez qu'il n'emploie contre vous son cuisinier. »

Quelque grand politique pourra penser que cela est très-bon à faire ; mais en vérité cela est très-mauvais à dire. Vous vous corrigez sur-le-champ en disant qu'il n'est permis d'égorger son voisin que quand ce voisin vous égorge. Ce n'est plus l'état de la question. Vous vous supposez ici dans le cas d'une simple et hon-

quoi ce crédit a-t-il été utile? A quoi a servi celui du clergé de France? à laisser deux millions de citoyens sans existence légale, sans propriété assurée; à sous- traire aux impôts un cinquième au moins des biens du royaume. N'est-il pas évi- dent qu'ami ou ennemi du monarque, un clergé puissant ne peut servir qu'à imposer un double joug au peuple? Un homme en est-il plus libre parce qu'il a deux maîtres ? (K.)

1. Le texte porte, livre X, chap. ii : a Lorsqu'un peuple voit qu'une plus longue paix en mettrait un autre en état de la détruire. »

2. Le texte porte : « Et que l'attaque est, dans ce moment, le seul moyen d'em- pêcher cette destruction. »

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