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SUR L'ESPRIT DES LOIS. 409

hommes, et ils en useront ainsi un jour avec leurs frères, avec leurs femmes.

Mais laissons là les enfants et les sauvages, n'examinons que bien rarement les nations étrangères, qui ne nous sont pas assez connues. Songeons à nous.

III.

« La noblesse entre en quelque façon dans l'essence de la mo- narchie, dont la maxime fondamentale est : Point de monarque, point de noblesse ; point de noblesse, point de monarque. Mais on a un despote. » ( Page 7, édit. de Leyde, in k°, de VEsprit des Lois, liv. II, chap. iv.)

Cette maxime fait souvenir de l'infortuné Charles P% qni disait : «Point d'évêque, point de monarque. » Notre grand Henri IV aurait pu dire à la faction des Seize : « Point de noblesse, point de monarque. )> Mais qu'on me dise ce que je dois entendre par despote et par monarque.

Les Grecs et ensuite les Romains entendaient par le mot grec despotes un père de famille, un maître de maison, despotes, herus, patromis, despoïna, hem, patrona, opposé à therapôn ou theraps, famidus, serms. Il me semble qu'aucun Grec, qu'aucun lîomain ne se servit du mot despote, ou d'un dérivé de despotes, pour signi- fier un roi. Despoticus ne fut jamais un mot latin. Les Grecs du moyen âge s'avisèrent vers le commencement du xv"= siècle d'ap- peler despotes des seigneurs très-faibles, dépendants de la puis- sance des Turcs, despotes de Servie, de Valachie, qu'on ne re- gardait que comme des maîtres de maison. Aujourd'hui les empereurs de Turquie, de Maroc, de Perse, de l'Indoustan, de la Chine, sont appelés par nous despotes; et nous attachons à ce titre l'idée d'un fou féroce qui n'écoute que son caprice ; d'un barbare qui fait ranger devant lui ses courtisans prosternés, et qui, pour se divertir, ordonne à ses satellites d'étrangler à droite et d'empaler à gauche.

Le terme de monarque emportait originairement l'idée d'une puissance bien supérieure à celle du mot despote : il signifiait seul prince, seul dominant, seul puissant ; il semblait exclure toute puissance intermédiaire.

Ainsi chez presque toutes les nations les langues se sont dé- naturées. Ainsi les mots de pape, d'évêque, de prêtre, de diacre, d'église, de jubilé, de pâques, de fêtes, noble, vilain, moine, cha- noine, clerc, gendarme, chevalier, et une infinité d'autres, ne

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