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396 ARTICLES EXTRAITS

confesseur de la veuve du roi Charles II, et qui ne se servit jamais de l'autorité de sa place que pour inspirer à cette reine la haine contre Louis XIV et le mépris pour Philippe V ; un domini- cain, ancien confesseur de Charles, qui employait le reste de son crédit pour rendre le nouveau roi odieux aux seigneurs et aux femmes, dont il dirigeait la conscience depuis la mort de Charles. 11 fallut que Louis XIV, gouvernant de Versailles son petit-fils à Madrid, fit exiler et le grand inquisiteur, et le capucin, et le do- minicain. Il fallut encore qu'il interposât son autorité pour faire chasser je ne sais quel jésuite allemand nommé Kressa, qui, à la vérité, ne confessait que des femmes de chamhre de la reine douairière, mais qui savait par elles tous les secrets de sa mai- son, et qui, par ce manège, plus commun en Espagne que dans les autres pays de la communion romaine, était devenu l'espion et le hrouillon le plus perfide qui fût dans l'Église. Ainsi Louis XIV, subjugué et trahi lui-même par son confesseur jésuite, punissait d'autres jésuites et d'autres confesseurs en Espagne, tandis qu'il laissait le sien mettre le trouble et la désolation dans son propre royaume. Il donnait des lois à Madrid comme chez lui, par l'or- gane de ses ambassadeurs; d'abord par le duc d'Harcourt, et ensuite par le comte de Marsin : il envoya même à son petit-fils un ministre pour gouverner son trésor royal, plus mal en ordre alors, s'il se peut, et plus pauvre que celui de Paris ; ce fut Orry, père de celui qui fut depuis contrôleur général en France sous Louis XV.

Victor-Amédée, le duc de Savoie le premier de sa maison qui obtint depuis le titre de roi, avait, en 1697, marie l'une de ses filles au duc de Bourgogne, à l'aîné des petits-fils de Louis XIV, frère du roi d'Espagne : il offrait son autre fille au roi Philippe. Louis conclut ce nouveau mariage, et crut s'attacher Victor- Amédée par un double lien. La guerre pour la succession au trône d'Espagne était déjà commencée entre l'Empire et la France. L'empereur Léopold faisait déjà défiler des troupes dans le Mila- nais : Louis y avait une armée jointe à celle de Savoie. On sait assez que le prétexte de cette guerre était la fausse idée répandue par la cour autrichienne que Louis XIV avait forgé dans Versailles le testament de Charles II, et avait substitué, par la fraude, la maison de France à la maison d'Autriche. L'empereur était sûr d'être soutenu dans cette grande querelle par l'Angleterre, la Hollande et le Portugal ; et il négociait déjà secrètement avec le père de la duchesse de Bourgogne et de la future reine d'Espagne. On \oit par là que Mctor-Amédée se rendait lui-même l'ennemi

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