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388 ARTICLES EXTRAITS

ne subsistent plus, tant de petites querelles littéraires qui n'inté- ressent que les disputants, dans cette foule d'ouvrages et d'af- fiches d'un moment, qui annoncent la Connaissance de la nature, la Science du gouvernement, les moyens faciles de payer sans argent les dettes de l'État, et les drames qu'on doit jouer aux marion- nettes, à la fin nous avons un bon livre de plus.

On crut d'abord que le titre était une plaisanterie. Quelques lecteurs, voyant que l'auteur parlait sérieusement, s'imaginèrent que c'était un de ces politiques qui font le destin du monde du haut de leur galetas, et qui, n'ayant pu gouverner une servante, se mettent à enseigner les rois à deux sous la feuille. Il s'est trouvé que l'ouvrage était d'un guerrier et d'un philosophe, qui réunit la grandeur d'âme des anciens chevaliers ses ancêtres, et les vertus patriotiques du chef de la magistrature dont il des- cend, Aous ne le nommerons pas, puisqu'il ne s'est pas voulu faire connaître.

Lorsque cette nouveauté était encore en très-peu de mains, on demanda à un homme de lettres ^ : Que pensez-vous de ce livre de la Félicité jmblique? Il répondit : // fait la mienne. Nous pouvons en dire autant.

Cependant nous ne dissimulons pas que l'Esprit des lois a plus de vogue dans l'Europe que la Félicité publique, parce que Mon- tesquieu est venu le premier; parce qu'il est plus plaisant; parce que ses chapitres de six lignes, qui contiennent une épigramme, ne fatiguent point le lecteur; parce qu'il effleure plus qu'il n'ap- profondit ; parce qu'il est encore plus satirique qu'il n'est légis- lateur, et qu'ayant été peu favorable à certaines professions lucratives, il a flatté la multitude.

Le livre de la Félicité publique est un tableau du genre humain. On examine dans quel siècle, dans quel pays, sous quel gouver- nement, il aurait été plus avantageux pour l'espèce humaine d'exister. On parle à la raison, à l'imagination, au cœur de chaque homme. Aimeriez-vous mieux être né sous un Constan- tin, qui assassine toute sa famille, et son propre fils, et sa femme, et qui prétend que Dieu lui a envoyé un labarum dans les nuées

est de M. de Chastellux, à qui Voltaire adressa quelques lettres qui sont dans sa Correspondance. Voltaire a toujours parlé avec un grand éloge de ce livre. Voyez tome VII, page 2il ; XXVIU, 550; XXIX, 2i3, 312.

En insérant dans le Journal de politique et de littérature du 15 mai 1777 le morceau de Voltaire sur le livre de M. de Chastellux, on avait mis en note : K Article de M. de V***, » ce qui contraria Voltaire, u L'indication de Panckoucke, écrit-il à Laharpe, me fait une peine mortelle. »

1. Voltaire lui-même: voyez tome XXVIII, page 550.

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