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384 ARTICLES EXTRAITS

borné peut comprendre, et fermer leurs yeux à l'évidence pour ne rien voir au-dessus de leur capacité. »

Personne ne trouvera bon qu'on traite les Locke, les lAlale- branclie, les Condillac, d'hommes orgueilleusement ignorants; On pouvait établir le suc nerveux sans leur dire des injures, elles ne sont des raisons ni en physique ni en métaphysique.

« Que font, dit-il, les arguments spécieux de Lecat contre des preuves directes ? L'àme n'est pas matérielle, et n'occupe aucun lieu à la manière des corps. Soit ; mais s'ensuit-il de là qu'elle n'ait aucun siège déterminé ? »

Non, monsieur; il ne s'ensuit pas que l'àme n'ait point de place ; mais il ne s'ensuit pas aussi qu'elle demeure dans les méninges, qui sont tapissées de quelques nerfs.

Il vaut mieux avouer qu'on n'a pas vu encore son logis que d'assurer qu'elle est logée sous cette tapisserie : car enfin, comme les nerfs n'aboutissent pas à ces méninges, si elle résidait dans chacun de ces nerfs, elle y serait étendue, et vous n'y trouveriez pas votre compte. Laissez faire à Dieu, croyez-moi ; lui seul a pré- paré son hôtellerie, et il ne vous a pas fait son maréchal-des-logis.

Vous avez beau dire que « la pensée fait vivre l'homme dans le passé, le présent et l'avenir, l'élève au-dessus des objets sen- sibles, le transporte dans les champs immenses de l'imagina- tion, étend pour ainsi dire à ses yeux les bornes de l'univers, lui découvre de nouveaux mondes, et le fait jouir du néant même ».

Nous vous félicitons de jouir du néant; c'est un grand em- pire : régnez-y, mais insultez un peu moins les gens qui sont quelque chose.

Vous avez un grand chapitre intitulé Réfutation d'un sophisme d'Helvétius. Vous auriez pu parler plus poliment d'un homme géné- reux qui payait bien ses médecins. Vous dites : (c Laissons au so- phiste Helvétius à vouloir déduire par des raisonnements alambi- qués toutes les passions de la sensibilité physique ; il n'en déduira jamais l'amour de la gloire. . . Qu'importe à César l'estime publique ? Est-il quelques délices attachées à la vertu et au savoir, refusées à la puissance? Pourquoi Alexandre, Auguste, Trajan, Charles- Quint, Christine, Frédéric II, non contents de la gloire des monarques et des héros, aspirent-ils encore à celle d'auteurs? Pourquoi veulent-ils aussi ombrager leur front des lauriers du génie ? C'est qu'ils sont avides d'honneur, et délicats en estime. »

On vous dira, monsieur, que de tous ces gens si délicats en estime, dont vous parlez, pas un n'a été auteur, excepté le dernier.

Nous n'avons, ce me semble, aucun livre, ni des Alexandre

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