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POUR LES SERFS DE SAINT-CLAUDE. 377

par les plus sages règlements en 1762, Les nombreux habitants d'une vallée nommée Chézery, au pied du mont Jura, apparte- naient auparavant à la Savoie ; ils sont aujourd'hui de la pro- vince de Bourgogne parle dernier échange, Qu'est-il arrivé? Ils devenaient libres par l'édit du feu roi de Sardaigne ; ils se trouvent aujourd'hui esclaves d'un couvent de moines, parce qu'ils sont Français,

Une fille qui se marie dans cette coutume perd tout son bien si on prouve qu'elle a passé la nuit de ses noces dans la maison de son époux, et non dans celle de son père. Un étranger qui habite un an dans ce territoire y devient serf du couvent ; et si depuis il a pu acquérir quelque bien, ce bien appartient à ces moines. De tehes vexations sont aussi nombreuses que les crimes de faux sur lesquels elles sont fondées i.

Votre Majesté ne souffrira pas cette tache, dont votre royaume se trouve souillé sous un monarque qui dès sa jeunesse est le père de la patrie.

Les habitants du mont Jura, voisins de cette vallée, avaient plaidé, en 1772, devant votre conseil, pour obtenir une liberté ^dont jouissent toutes vos provinces, et que des moines de Saint- Claude leur ont ravie.

Ils démontrèrent que ces moines avaient fabriqué, avec la maladresse la plus étrange, des diplômes prétendus de Gharle- magne, de l'empereur Lothaire, d'un Louis l'Aveugle, roi de Provence, de l'empereur Frédéric Barberousse. Ce crime de faux, si commun, parut alors dans toute sa turpitude. Les moines de Saint-Claude, devenus chanoines, n'eurent plus alors que la pos- session pour seule excuse de leur usurpation frauduleuse. Votre conseil ordonna, le 18 janvier 1772, que le parlement de Besan- çon ne jugerait ce procès, suivant la possession, qu'en cas que cette possession ne fût pas contraire aux titres véritables des habitants. Le parlement, écoulant sa jurisprudence ordinaire, a jugé, au mois d'auguste 1775, en faveur delà possession du chapitre, quoique les titres des anciens moines prédécesseurs du chapitre fussent démontrés être un ouvrage de faussaires imbéciles.

Nous n'osons attaquer l'arrêt d'une cour aussi respectable que

1. Les moines décimateurs de l'abbaye de Chézery en Bourgogne ont établi, de leur autorité privée, la dîme à la sixième gerbe, ce qui n'est guère moins que le tiers du produit net, en comptant les avances et la main-d'œuvre, qui restent à la charge du cultivateur. Ils prennent à la mort d'un colon la meilleure vache, etc. {Note de Voltaire.)

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