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DU PERE POLVCARPE. 337

saires à terrier, tous gens fort nécessaires à l'État. Ils servent les tribunaux, les tribunaux doivent donc les protéger.

Proposer la suppression des droits féodaux, c'est encore atta- quer particulièrement les propriétés de messieurs du parlement, dont la plupart possèdent des fiefs. Ces messieurs sont donc per- sonnellement intéressés à protéger, à défendre, à faire respecter les droits féodaux : c'est ici la cause de l'Église, de la noblesse et de la robe. Ces trois ordres, trop souvent opposés l'un à l'autre, doivent se réunir contre l'ennemi commun. L'Église excommu- niera les auteurs qui prendront la défense du peuple ; le parle- ment, père du peuple, fera brûler et auteurs et écrits ; et, par ce moyen, ces écrits seront victorieusement réfutés.

Si quelque insolent osait publier que tous messieurs du parle- ment qui possèdent des fiefs doivent s'abstenir de juger les écrits et les procès concernant les droits féodaux, parce que c'est leur propre cause, et qu'on ne peut être à la fois partie et juge, on lui répondrait que messieurs du parlement sont en possession de juger les causes féodales; que c'est là un des privilèges de leurs offices, une loi fondamentale à laquelle le roi même est dans l'heureuse impuissance de donner atteinte. Si l'insolent ne se rendait pas à l'évidence de ces raisons, on pourrait faire brûler son mémoire; et, en tant que de besoin, décréter sa personne de prise de corps.

On nous dit que dans la patrie de Cicéron, où le pouvoir de juger n'était attaché ni à un certain état ni à une certaine pro- fession, il était permis à tout plaideur de récuser le juge qu'il croyait suspect, sans être même obligé de prouver la suspicion : Sors et urna dant judices; licet exclamare : Hune nolo. Cette liberté de récuser ses juges subsista encore sous les empereurs, comme je l'ai remarqué dans une loi du Code rapportée dans un ancien factum qui m'est tombé par hasard sous la main ^.

Mais les lois des Wclcbes sont bien plus raisonnables que celles des Piomains. Le juge révocable d'une justice de village peut, en France, juger en première instance les causes féodales de son seigneur^ Un conseiller au parlement, possesseur de fief, peut donc aussi juger en dernier ressort la cause féodale d'un autre seigneur.

1. « Licet enim ex impérial! numine judex delegatus est, tamen quia sine sus- picione omnes lites procedere nobis cordi est, liceat ei qui suspectum judiceiii putal..., eum recusare. » (Cod. L. lll, tit. i, De Judiciis. Loi xvi.) [Note de Vol- taire.)

1. Ordonnance de 1667, lit. XXIV, art. xi. (/(/.)

30. — MÉLANGES. IX. 22

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