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les interprètes sur presque tous les passages des Évangiles, des Actes des apôtres, et des Épitres. On a tant creusé cet abîme que les terres remuées sont retombées sur les travailleurs, et en ont écrasé un grand nombre.

A commencer par ce verset qui regarde la destinée de saint Jean, on a soutenu que ce passage même démontrait que ce saint Jean n'avait écrit ni pu écrire son Évangile. Car dans ce passage il est dit sur la fin : « C'est ce même disciple Jean qui atteste ces choses ; et nous savons que son témoignage est vrai [ch. XXI, V. 24]. »

Il est évident que Jean n'a pu parler ainsi de lui-même dans son propre ouvrage.

Les contradictions qu'on a cru trouver dans les autres évangélistes ont surtout déterminé les critiques téméraires à rejeter absolument tous ces écrits, qu'ils attribuent à des auteurs pseudonymes, moitié juifs, moitié chrétiens, comme Abdias, Marcel, Hégésippe, et d'autres, qui vivaient sur la fin du premier siècle de l'Église chrétienne.

Nos indomptables critiques, dont nous avons tant parlé, disent qu'ils ne peuvent admettre les Actes des apôtres, puisqu'ils sont contraires aux Évangiles; et ils disent qu'ils rejettent les Évangiles, puisqu'ils sont contraires à la conduite de Jésus rapportée par eux. Voici comme ils soutiennent leur fatale opinion.

« Jésus, par le récit des Évangiles mêmes, ne baptisa jamais personne ; et cependant ces Évangiles annoncent qu'il faut administrer le baptême juif au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit. Et après que ces Évangiles ont ordonné ce baptême au nom de ces trois personnes, viennent les Actes, qui font baptiser au nom de Jésus seul en plusieurs passages.

« A qui croire? A rien, continuent ces examinateurs intraitables. Nous ne savons ni quels furent les auteurs de ces livres, ni en quels temps ils furent écrits ; nous savons seulement qu'ils se contredisent tous les uns les autres, et que tous ensemble contredisent la faible raison humaine, seule lumière que Dieu nous donne pour juger.[1]

  1. prochain comme nous-mêmes. Que la religion ne soit point un signal de guerre, un mot de ralliement ; qu'elle ne soit point escortée de la superstition et du fanatisme ; qu'elle ne marche point armée du glaive, sous prétexte que Dieu fut nommé quelquefois le dieu de la vengeance ; qu'elle n'accumule point des honneurs et des trésors cimentés du sang des malheureux ; et que son fondateur, qui a vécu pauvre et qui est mort pauvre, ne lui dise pas : O ma fille, que tu ressembles mal à ton père ! »