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Le profond Calmet a trouvé la raison de cette immortalité de st Jean, et de son assistance au procès qu’on fera à l’ante-christ quand le monde finira. Voici ses propres mots dans sa dissertation sur cet évangile. " il semble qu’il manquerait quelque chose dans la guerre que le seigneur doit faire à l’ennemi de son fils, s’il ne lui opposait qu’énoc et élie. Il ne suffit pas qu’il y ait un prophete d’avant la loi, et un prophete qui ait vécu sous la loi : il en faut un troisieme qui ait été sous l’évangile " . Ainsi, selon ce commentateur, le monde sera jugé par cinq juges, Dieu le pere, Dieu le fils, énoc, élie et Jean. Delà il conclut que Jean n’est point mort ; et voici les preuves qu’il en rapporte. " si Jean était mort, on nous dirait le temps, le genre, les circonstances de sa mort. On montrerait ses reliques ; on saurait le lieu de son tombeau. Or tout cela est inconnu. Il faut donc qu’il soit encore en vie. En effet, on assure que se voyant fort avancé en âge, il se fit ouvrir un tombeau où il entra tout vivant ; et ayant congédié tous ses disciples, il disparut, et entra dans un lieu inconnu aux hommes " . Cependant Calmet est du sentiment de ceux qui pensent que st Jean mourut et fut enterré à éphese. Mais il y a encore des difficultés sur cette derniere opinion ; car bien qu’il fut enterré, il ne passa point cependant pour mort. On le voyoit remuer deux fois par jour dans sa fosse ; et il s’élevait sur son sépulcre une espece de farine. St éphrem, st Jean Damascene, st Grégoire De Tours, st Thomas, l’assuraient. Heureusement, comme nous l’avons dit[1], ces disputes entre les savants, et même entre les saints, ne touchent point à la morale, qui doit être uniforme d’un bout de la terre à l’autre.

[2] On sait quelles interminables disputes se sont élevé entre

  1. Page 302.
  2. Des cinq éditions dont il est parlé dans l'Avertissement de Beuchot, celle qui est intitulée Troisième est la seule qui, pour la fin, contienne le texte actuel. Dans les autres éditions, qui sont les premières, la Bible enfin expliquée se terminait ainsi : « Nous ne prétendons point répéter ici toutes les objections dont la sagacité dangereuse des critiques élève des monceaux, toutes ces contradictions qu'ils prétendent trouver entre les évangélistes, toutes ces interprétations diverses que les Eglises opposées les unes aux autres donnent aux mêmes paroles : à Dieu ne plaise que nous fassions un recueil de disputes ! Jésus a dit à toutes les sectes : Aimez Dieu, et votre prochain comme vous-même, car c'est la tout l'homme. Tenons-nous-en là si nous pouvons ; ne remplissons point d'amertume la vie de nos frères et la nôtre. Tâchons qu'on n'ait pas à nous reprocher de haïr notre