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tiens qui s’adonnaient à la prétendue théurgie, se firent souffler aussi dans la bouche et dans les oreilles par les maîtres de l’art, et crurent recevoir ainsi l’esprit et la puissance des démons ; ou plutôt ils rappellerent les antiques cérémonies de la théurgie chaldéenne et syriaque. Ces cérémonies de nos prétendus magiciens se perpétuerent de siecle en siecle. De misérables insensés s’imaginerent que d’autres fous leur avaient soufflé le diable dans la bouche. Il se trouva par-tout, jusqu’au dernier siecle, des juges assez imbécilles et assez barbares pour condamner au feu ces infortunés. On sait l’histoire du curé Goffredi[1], qui crut avoir forcé Magdelaine La Pallu à l’aimer en soufflant sur elle. On sait la fatale et méprisable avanture des religieuses de Loudun, ensorcelées par le souffle du curé Urbain Grandier[2]. Et enfin, à la honte éternelle de la nation, le jésuite Girard[3] a été condamné de nos jours au feu par la moitié de ses juges, pour avoir soufflé sur la Cadiere ; et on a trouvé des avocats assez imbecilles pour soutenir gravement, que rien n’est plus avéré que la force du souffle d’un sorcier.

Cette opinion de la puissance du souffle venait originairement de l’idée répandue dans toute la terre, que l’ame était un petit phantôme aërien. Delà on parvint aisément jusqu’à croire, qu’on pouvait verser un peu de son ame dans l’ame d’autrui. Ainsi ce qui fut chez les vrais chrétiens un mystere sacré, était ailleurs une source d’erreurs.

XX. Λέγει αὐτῷ ὁ Ἰησοῦς· Ἐὰν αὐτὸν θέλω μένειν ἕως ἔρχωμαι, τί πρὸς σέ ;

Jésus dit : Si je veux que celui-ci reste jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? (Jean, chap. xxi, v. 22.)

C’est ce que dit Jésus à st Pierre après sa résurrection, quand Pierre lui demande ce que deviendra Jean. On crut que ces mots, jusqu’à ce que je vienne signifiaient le second avénement de Jésus, quand il viendrait dans les nues. Mais ce second avénement étant différé, on crut que st Jean vivrait jusqu’à la fin du monde, et qu’il paraitrait avec Énoch et Élie pour servir d’assesseurs au jugement dernier, et pour condamner l’antechrist juridiquement.

  1. Voyez le paragraphe ix du Prix de la justice et de l’humanité.
  2. Voyez ibid.
  3. Voyez ibid.