Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/301

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui signifie la même chose qu’Auguste en grec ; et c’est une preuve que la langue grecque commençait à prévaloir en Judée sur l’idiome des juifs, qui n’était qu’un mêlange grossier de phénicien, de chaldéen, de syriaque. C’est ainsi qu’Hérode signala son idolâtrie pour l’empereur, et qu’il fit pour lui ce qu’il aurait fait pour un assassin d’Auguste, si cet assassin fût monté sur le trône de Rome. Il voulut enfin gagner l’esprit des juifs : après avoir bâti des temples à l’auteur des proscriptions, il en bâtit un pour le dieu qu’on adorait à Jérusalem. Celui de Zorobabel était petit, bas, mesquin, sans proportions, sans architecture ; il ne méritait pas la curiosité de Pompée. Celui d’Hérode était réellement fort beau ; un tyran peut avoir du goût. Ne craignons point de répéter, qu’on se figure d’ordinaire les temples anciens semblables à nos églises, une longue nef, un chœur pour les chanoines, et un autel au bout ; le tout avec des cordes pour sonner les cloches. C’étaient de grands emplacements entourés de portiques et de colonnades. On arrivait à ces temples isolés par de longues avenues. Le temple contenait dans ses quatre faces les logements des prêtres. La statue du Dieu était élevée au milieu de l’enceinte intérieure. à l’entrée de cette enceinte étaient des fontaines où l’on se lavait ; ce qui s’appellait purification. Tel était le temple de Jupiter Ammon, de Memphis, d’éphese, de Delphes, d’Olympie. Telles sont encore les anciennes pagodes des Indes. Imaginez la colonnade de saint Pierre qui régnerait tout au tour de l’édifice, au lieu qu’elle n’occupe qu’un côté ; vous aurez alors l’idée du plus beau monument de la terre. Un tel dessein ne pouvait s’exécuter sur la montagne alors escarpée du capitole à Rome, ni sur la montagne Moria dans Jérusalem. Mais Hérode corrigea autant qu’il le put l’inégalité du terrein ; il applanit la cime de la montagne, combla un abyme, éleva un temple intérieur, qui à la vérité n’avait que cent cinquante pieds de long, mais qui était entouré d’un péristile formé de quatre rangs de colonnes d’ordre corinthien, de quatre cents vingt-cinq pas géométriques à chaque face. Le grand défaut de ce temple était dans les rues étroites qui l’avoisinaient. C’est le défaut des portails de st Gervais et de st Sulpice à Paris[1].

  1. L’église Saint-Sulpice a une place depuis une trentaine d’années ; mais Saint-Gervais n’en a point encore. (B.) — Les façades de ces deux églises sont aujourd’hui bien en vue.