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froment se vendait dans Jérusalem onze drachmes . Notre muid de blé contient douze setiers[1]. Il se trouverait, par le compte de Joseph, que le septier, dans les temps des famines si fréquentes de la Judée, n’aurait pas valu dix sous, en évaluant à dix sous la drachme juive. Qu’on juge par-là de ces richesses dont on a voulu nous éblouïr[2]. C’est dans ces temps que les romains, sans trop s’embarrasser de leur prétendue société amicale avec les Machabées, portaient leurs armes victorieuses dans l’Asie Mineure, dans la Syrie, et jusqu’au mont Caucase. Les Séleucides n’étaient plus. Tigrane roi d’Arménie beau-pere de Mithridate, avait conquis une partie de leurs états. Le grand Pompée avait vaincu Tigrane ; il venait de réduire Mithridate à se donner la mort ; il fesait de la Syrie une province romaine. Les livres des machabées ne parlent ni de ce grand homme, ni de Lucullus, ni de Sylla. On n’en sera pas étonné. Hircan, chassé par son frere Aristobule, s’était réfugié chez un chef d’arabes nommé Aréah ou Arétas. Jérusalem avait toujours été si peu de chose, que ce capitaine de voleurs vint assiéger Aristobule dans cette ville. Pompée passait alors par la basse Syrie. Aristobule obtint la protection de Scaurus l’un de ses lieutenants. Scaurus ordonne à l’arabe de lever le siege, et de ne plus oser commettre d’hostilités sur les terres des romains ; car la Syrie étant incorporée à l’empire ; la Palestine l’était aussi. Tel était le pacte de société que la république avait pu faire avec la Judée. Joseph écrit qu’Aristobule envoya une vigne d’or à Pompée, du prix de cinq cents talents, c’est-à-dire, environ trois millions ; et il cite Strabon. Mais Strabon ne dit point que le melk Aristobule fit ce présent à Pompée ; il dit que ce fut Alexandre son pere. Nous osons croire que Strabon se trompe sur le prix de cette vigne, et que jamais aucun melk de Judée ne fut en état de faire un tel présent ; si ce n’est peut-être Hérode, à qui les romains accorderent bientôt après une étendue de pays cinq ou six fois plus grande que le territoire d’Aristobule. Les deux freres, Aristobule

  1. La mesure appelée muid variant selon les pays et les temps, le raisonnement de Voltaire n’est pas exact. (B.)
  2. Il est vraisemblable que c’est une erreur de chiffre, et que le texte portait onze cents drachmes. Mais ces onze cents drachmes ne feraient que 550 livres de France, et le prix du setier ne serait que de 45 livres, ce qui ne serait pas exorbitant en temps de famine. Il est des provinces, en Allemagne et en France, où c’est le prix commun du blé assez ordinairement. (Note de Voltaire.)