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près semblable à ce qu’on vit depuis sous César et Auguste, et sous les Médicis. Les hommes s’accoutumerent peu-à-peu à penser plus raisonnablement, à mettre plus d’ordre et de naturel dans leurs écrits, et à colorer avec des dehors plus décents leurs plaisirs, leurs passions, leurs crimes-mêmes. Il y eut moins des prodiges, quoique la superstition fût toujours enracinée dans la populace, qui est née pour elle. Les juifs eux-mêmes se défirent de ce style ampoulé, incompréhensible, incohérent, qui va par sauts et par bonds, et qui ressemble aux rêveries de l’ivresse quand il n’est pas l’enthousiasme d’une inspiration divine. Les sublimes idées de Platon sur l’existence de l’ame, sur sa distinction de la machine animale, sur son immortalité, sur les peines et les récompenses après la mort, pénétrerent d’abord chez les juifs hellénistes établis avec de grands privileges dans Alexandrie, et delà chez les pharisiens de Jérusalem. Ils n’entendaient auparavant que la vie par le mot d’ame ; ils n’avaient aucune notion de la justice rendue par l’être suprême aux ames des bons, et aux méchants qui survivaient à leurs corps ; tout avait été jusques-là temporel, matériel et mortel chez ce peuple également grossier et fanatique. Tout change après la mort d’Alexandre sous les Ptolémées et sous les Séleucides. Les livres de machabées en sont une preuve. Nous n’en connaissons pas les auteurs. Nous nous contentons d’observer, qu’en général ils sont écrits d’un style un peu plus humain que toutes les histoires précédentes, et plus approchant quelquefois (si on l’ose dire) de l’éloquence des grecs et des romains. C’est dans le second livre des machabées qu’on voit pour la premiere fois une notion claire de la vie éternelle et de la résurrection, qui devint bientôt le dogme des pharisiens. Un des sept freres Machabées, qui sont supposés martyrisés avec leur mere par le roi de Syrie Antiochus épiphane, dit à ce prince : tu nous arraches la vie présente, méchant prince ; mais le roi du monde nous rendra une vie éternelle, en nous ressuscitant quand nous serons morts pour ses loix .

On remarque encore dans ce second livre la croyance anticipée d’une espece de purgatoire. Judas Machabée, en fesant enterrer les morts après une bataille, trouve dans leurs vêtements des dépouilles consacrées à des idoles. L’armée ne doute point que cette prévarication ne soit la cause de leur mort. Judas fait une quête de douze mille drachmes, et les envoie à Jérusalem, afin qu’on offre un sacrifice pour les