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Les juifs et les samaritains demi-juifs furent sujets d’Alexandre, comme ils l’avaient été de Darius. Ce fut pour eux un temps de repos. Les hébreux des dix tribus, dispersées par Salmanazar et par Assaradon, revinrent en foule et s’incorporerent dans la tribu de Juda. Rien n’est en effet plus vraisemblable. Tel est le dénouement naturel de cette difficulté qu’on fait encore tous les jours : que sont devenues les dix tribus captives ? Celle de Juda, possédant Jérusalem, s’arrogea toujours la supériorité, quoique cette capitale fût située dans le territoire de Benjamin. C’est pourquoi tous les prophetes juifs ne cessaient de dire que la verge resterait toujours dans Juda, malgré la jalousie des samaritains établis à Sichem. Mais quelle domination ! Ils furent toujours assujettis à des étrangers. Il y eut quelques juifs dans l’armée d’Alexandre lorsqu’il eut conquis la Perse ; du moins si nous en croyons le petit livre de Flavien Joseph contre Appion. Ces soldats étaient probablement de ceux qui étaient restés vers Babylone après la captivité, et qui avaient mieux aimé gagner leur vie chez leurs vainqueurs que d’aller relever les ruines du temple de Jérusalem. Alexandre voulut les faire travailler comme les autres à rebâtir un autre temple, celui de Bélus à Babylone. Joseph assure qu’ils ne voulurent jamais employer leurs mains à un édifice profane, et qu’Alexandre fut obligé de les chasser. Plusieurs juifs ne furent pourtant pas si difficiles, lorsque trois cents ans après ils travaillerent sous Hérode à bâtir un temple dans Césarée à un mortel, à l’empereur Auguste leur souverain ; tant le gouvernement change quelquefois les mœurs des hommes les plus obstinés. On n’a point assez remarqué, que le temps d’Alexandre fit une révolution dans l’esprit humain aussi grande que celle des empires de la terre. Une nouvelle lumiere, quoique mêlée d’ombres épaisses, vint éclairer l’Europe, l’Asie, et une partie de l’Afrique septentrionale. Cette lumiere venait de la seule Athênes. Elle n’était pas comparable sans doute à celle que les Newton et les Loke ont répandues de nos jours sur le genre humain du fond d’une île autrefois ignorée du reste du monde. Mais Athênes avait commencé à éclairer les esprits en tout genre. Alexandre, élevé par Aristote, fut le digne disciple d’un tel maitre. Nul homme n’eut plus d’esprit, plus de graces et de goût, plus d’amour pour les sciences que ce conquérant. Tous ses généraux, qui étaient grecs, cultiverent les beaux-arts jusques dans le tumulte de la guerre et dans les horreurs des factions. Ce fut un temps à peu