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leurs ennemis avec leurs femmes et leurs enfans, et de piller leurs dépouilles le treizieme jour du mois d’Adar... et le roi dit à la reine Esther : vos juifs ont tué aujourd’hui cinq cent personnes dans ma ville de Suze... combien voulez-vous qu’ils en tuent encore ? Et la reine répondit : s’il plaît au roi il en sera massacré autant demain qu’aujourd’hui ; et que les dix enfans d’Aman soient pendus. Et le roi commanda que cela fût fait[1].



PROPHETES.

AVERTISSEMENT DU COMMENTATEUR.

Ce fut dans les querelles entre les tribus, et pendant la cap- tivité en Babylone, que les voyants, les devins, les prophètes, parurent. Nous avons déjà parlé d'Élie, d'Elisée, d'Isaïe, de Jéré- mie; nous dirons des autres ce qui paraît nécessaire, sans entrer dans le détail de leurs déclamations. Nous ne sommes pas assez habiles pour comprendre leurs discours, pour sentir le mérite de leurs répétitions continuelles, pour distinguer le sens littéral, le sens mystique, le sens analogique, de leurs phrases hébraïques ou chaldéennes, que la traduction rend encore plus obscures .

1. Il faut pardonner aux critiques s'ils ont exprimé toute l'horreur que leur inspirait l'exécrable cruauté de cette douce Esther, et en même temps leur mépris pour un conte si dépourvu de sens commun. Ils ont crié qu'il était hon- teux de recevoir cette histoire comme vraie et sacrée. Que peut avoir de commun, disent-ils, la barbarie ridicule d'Esther avec la religion chrétienne , avec nos devoirs, avec le pardon des injures, recommandé par Jésus-Christ? N'est-ce pas joindre ensemble le crime et la vertu, la démence et la sagesse, le plat mensonge et l'auguste vérité? Les Juifs admettent la fable d'Esther; sommes-nous Juifs? Et parce qu'ils sont amateurs des fables les plus grossières, faut-il que nous les imitions? Parce qu'en tout temps ils furent sanguinaires, faut-il que nous le soyons, nous qui avons voulu substituer une religion de clémence et de fraternité à leur secte barbare, nous qui au moins nous vantons d'avoir des préceptes de justice, quoique nous ayons eu le malheur d'être si souvent et si horriblement inj ustes ?

Nous n'ignorons pas que la fable d'Esther a un côté séduisant : une captive devenue reine, et sauvant de la mort tous ses concitoyens, est un sujet de roman et de tragédie. Mais qu'il est gâté par les contradictions et les absurdités dont il regorge! Qu'il est déshonoré par la barbarie d'Esther, aussi contraire aux mœurs de sou sexe qu'à la vraisemblance! {Noie de Voltaire.)

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  1. il faut pardonner aux critiques s’ils ont exprimé toute l’horreur que leur inspirait l’exécrable cruauté de cette douce Esther, et en même temps leur mépris pour un conte si dépourvu de sens commun. Ils ont crié qu’il était honteux de recevoir cette histoire comme vraie et sacrée. Que peut avoir de commun, disent-ils, la barbarie ridicule d’Esther avec la religion chrétienne, avec nos devoirs, avec le pardon des injures recommandé par Jesus-Christ ? N’est-ce pas joindre ensemble le crime et la vertu, la démence et la sagesse, le plat mensonge et l’auguste vérité ? Les juifs admettent la fable d’Esther ; sommes-nous juifs ? Et parce qu’ils sont amateurs des fables les plus grossieres, faut-il que nous les imitions ? Parce qu’en tout temps ils furent sanguinaires, faut-il que nous le soyons ? Nous qui avons voulu substituer une religion de clémence et de fraternité à leur secte barbare ? Nous qui au moins nous vantons d’avoir des préceptes de justice, quoique nous ayons eu le malheur d’être si souvent et si horriblement injustes ? Nous n’ignorons pas que la fable d’Esther a un côté séduisant ; une captive devenue reine, et sauvant de la mort tous ses concitoyens, est un sujet de roman et de tragédie. Mais qu’il est gâté par les contradictions et les absurdités dont il regorge ! Qu’il est déshonoré par la barbarie d’Esther, aussi contraire aux mœurs de son sexe qu’à la vraisemblance !