Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/255

Cette page n’a pas encore été corrigée

En ce temps-là le pharaon Néchao roi d’égypte marcha contre le roi des assyriens au fleuve de l’Euphrate ; et Josias marcha contre lui, et il fut tué dès qu’il parut… pharaon Néchao prit Joachaz le fils de Josias, et l’enchaîna dans la terre d’émath, afin qu’il ne régnât point à Jérusalem ; et il condamna Jérusalem à payer cent talents d’argent et un talent d’or… et pharaon Néchao établit roi à Jérusalem éliakim autre fils de Josias, et lui changea son nom en celui de Joachin[1]. En ce temps-là Nabucodonosor roi de Babylone marcha contre Juda ; et Joachim fut son esclave pendant trois ans… après quoi il se révolta… alors le seigneur envoya des troupes de brigands de Chaldée, de Syrie, de Moab, d’Ammon, contre Juda, pour l’exterminer selon le verbe que le seigneur avait fait entendre par ses serviteurs les prophetes…[2]. Et Joachim s’endormit avec ses peres ; et son fils Joachim régna à sa place.

  1. si Polybe et Xénophon avaient écrit cette histoire, convenons qu’ils l’auraient écrite autrement. Nous saurions ce que c’était que ce grand empire d’Assyrie, qui est l’instant d’après anéanti dans l’empire de Babylone ; nous apprendrions pourquoi ce Josias, favori du seigneur, se déclara contre Néchao roi d’égypte. C’était un grand spectacle que la puissance égyptienne combattant contre l’Asie ; c’étaient de grands intérêts, et qui méritaient d’être au moins exposés clairement. Les paralipomenes nous apprennent, que le pharaon d’égypte envoya dire au melk Josias : qu’y a-t-il entre toi et moi, melk de Juda ? Je ne marche point contre toi, c’est contre une autre maison que Dieu m’a ordonné d’aller au plus vîte ; ne t’oppose point à Dieu qui est avec moi, de peur qu’il ne te tue . Remarquez, lecteurs attentifs et sages, que toutes les nations adoraient un dieu suprême, quoiqu’il y eût mille dieux subalternes, mille cultes différents : c’est une vérité dont vous trouverez des traces dans tous les livres grecs et latins, comme dans les livres hébreux, et dans le peu qui nous reste du zenda vesta, et des védams. Le roi d’égypte Néchao dit : Dieu est avec moi. Le roi de Ninive en avait dit autant. Le roi de Babylone disait : Dieu est avec moi. Voyez l’iliade d’Homere ; chaque héros y a un dieu qui combat pour lui.
  2. le juif qui a écrit cette histoire court bien rapidement sur le plus grand et le plus fatal événement de sa patrie ; il semble qu’il n’ait voulu faire que des notes pour aider sa mémoire. Cette destruction de Jérusalem, cette captivité de la tribu de Juda, ces rois de Babylone et d’égypte qui semblent se disputer cette proie, ces brigands de Chaldée, de Syrie, de Moab et d’Ammon, qui se réunissent tous contre une misérable horde de Juda sans défense, tout cela n’est ni annoncé ni expliqué : cette histoire est plus seche et plus confuse que tous les commentaires qu’on en a faits. La saine critique demandait (humainement parlant) que l’auteur débrouillât d’abord les deux empires de Ninive et de Babylone ; qu’il nous instruisît des intérêts que ces deux puissances eurent à démêler avec l’égypte et avec la Syrie ; comment la petite province de Judée, enclavée dans la Syrie, subit le sort des peuples