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cependant Achab, roi d’Israël, fit venir Michée. Le roi d’Israël et le roi de Juda étaient dans l’aire d’une grange, chacun sur son trone, vêtus à la royale, près de Samarie. Et tous les prophetes prophétisaient devant eux. Le prophete Sédékias, fils de Chaahana, se mit des cornes de fer sur la tête et dit : ces cornes frapperont la Syrie jusqu’à ce qu’elle soit détruite.

    choses agréables, sans se mettre deux cornes de fer sur la tête. C’eût été un beau spectacle, si tous les autres prophetes et tous les officiers de l’armée s’étaient mis des cornes pour opiner. " Michée ne se met point de cornes ; mais il est assez fou pour dire qu’il vient d’assister au conseil de Dieu, et qu’il a vu Dieu assis sur son trône, environné de toutes les troupes célestes. " ce furieux insensé ose attribuer à Dieu deux choses également abominables et ridicules, l’une de vouloir tromper Achab roi d’Israël, l’autre de ne savoir comment s’y prendre. " mais le comble de l’extravagance est de faire entrer un esprit malin, un diable, dans le conseil de Dieu, quoique le peuple hébreu n’eût jamais encore entendu parler du diable, et que ce diable n’eût été inventé que par les perses, avec qui ce peuple n’avait encore aucune communication. " Dieu ne sait comment ce diable s’y prendra. Le diable, qui a plus d’esprit que lui, et plus de puissance, lui dit qu’il se mettra dans la bouche de tous les prophetes pour les faire mentir. " du moins, lorsque dans le second livre de l’iliade Jupiter cherche des expédients pour relever la gloire d’Achille aux dépens d’Agamemnon, il trouve un expédient de lui-même : c’est de tromper Agamemnon par un songe menteur. Il ne consulte point le diable pour cela, il parle lui-même au songe ; il lui donne ses ordres. Il est vrai qu’Homere fait jouer-là un rôle bien bas et bien ridicule à son Jupiter. " il se peut que les livres juifs, ayant été écrits très-tard, le prêtre, qui compila les rêveries hébraïques, ait imité cette rêverie d’Homere. Car dans toute la bible le dieu des juifs est très-inférieur aux dieux des grecs ; il est presque toujours battu ; il ne songe qu’à obtenir des offrandes ; et son peuple meurt toujours de faim. Il a beau être continuellement présent, et parler lui-même, on ne fait rien de ce qu’il veut. Si on lui bâtit un temple, il vient un Sésac roi d’égypte qui le pille et qui emporte tout. S’il impose la sagesse à Salomon, ce Salomon se moque de lui, et l’abandonne pour d’autres dieux. " s’il donne la terre promise à son peuple, ce peuple y est esclave depuis la mort de Josué jusqu’au regne de Saül. Il n’y a point de Dieu ni de peuple plus malheureux. " les compilateurs des fables hébraïques ont beau dire que les hébreux n’ont toujours été misérables que parce qu’ils ont toujours été infideles. Nos prêtres anglicans en pourraient dire autant de nos irlandois et de nos montagnards d’écosse. Rien n’est plus aisé que de dire : si tu as été battu, c’est que tu as manqué aux devoirs de ta religion : si tu avais donné plus d’argent à l’église, tu aurais été vainqueur. Cette infame superstition est ancienne ; elle a fait le tour de la terre ". On peut dire à Mylord Bolingbroke, que les écrivains sacrés n’ont pas plus connu Homere que les grecs n’ont connu les livres des juifs. Jupiter, qui trompe Agamemnon, ressemble, il est vrai, au dieu Sabaoth qui trompe le roi Achab. Mais l’un n’est point emprunté de l’autre. C’était une créance, commune dans tout l’orient, que les dieux se plaisaient à tendre des pieges aux hommes, et à ouvrir sous leurs pas des précipices dans lesquels ils les plongeaient. Les poëmes d’Homere