Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/228

Cette page n’a pas encore été corrigée

et demeure là ; car j’ai commandé à une veuve de te nourrir… élie alla aussi-tôt à Sarepta ; et quand il fut à la porte, une veuve se mit à ramasser quelques brins de bois. Il lui dit : donne-moi un peu d’eau dans un gobelet, et une bouchée de pain. La veuve répondit : vive Adonaï ton dieu ! Je n’ai point de pain, je n’ai qu’un petit pot de farine qui n’en contient qu’autant qu’il en peut tenir dans ma main, et un peu d’huile dans un petit vase ; et je viens ici ramasser deux brins de bois pour faire manger mon fils et moi ; après quoi nous mourrons. élie lui dit : cela ne fait rien ; fais comme je t’ai dit ; fais-moi cuire un petit pain sous la cendre ; apporte-le moi : tu en feras après un autre pour ton fils et pour toi[1] ; car voici ce que dit Adonaï dieu d’Israël : le pot de farine ne manquera point, et le pot d’huile ne diminuera point, jusqu’à ce qu’Adonaï fasse tomber de la pluie sur la face de la terre… la veuve s’en alla donc, et fit ce qu’élie lui avait dit. élie mangea, elle aussi, et sa maison aussi ; et la farine du pot ne manqua point ; et l’huile du petit huilier ne diminua point… or il arriva après, que l’enfant de cette veuve, mere de famille, fut si malade qu’il ne respirait plus. Cette femme dit donc à élie : homme de Dieu, es-tu venu chez moi pour faire mourir mon fils… élie lui dit : donne-moi ton fils ; et il le prit du sein de la veuve, et le porta dans la salle à manger où il demeurait. Il se mit par trois fois sur l’enfant en le mesurant ; et il cria à Adonaï : mon seigneur, fais, je te prie, que l’ame de cet enfant revienne dans ses entrailles. Et Adonaï exauça la voix d’élie ; l’ame de l’enfant revint, et il ressuscita[2].

  1. le seigneur envoie élie du milieu des hérétiques chez des infideles. Le prophete commence par deviner qu’une femme qui ramasse du bois est veuve, il commence par demander pour lui le seul morceau de pain qui reste à cette femme, bien sûr qu’il lui en donnera d’autre. Mais il n’est pas dit que cette femme sidonienne se soit convertie, et ait quitté le dieu de Sidon pour le dieu de Juda, malgré tous les miracles que fait élie en sa faveur ; mais sa conversion peut se supposer. De plus, un grand nombre de savans suppose ; et nous l’avouons souvent, que tous les peuples reconnaissaient un dieu suprême qui communiquait une partie de son pouvoir à ceux qu’il voulait favoriser, tantôt à des mages d’égypte, tantôt à des mages de Perse ou de Babylone, à des hérétiques samaritains, à des idolâtres même, comme Balaam. Si vous en croyez ces savans, chacun conservait ses rites, son culte, ses dieux secondaires, en adorant le dieu universel. Ainsi le pharaon, qui vit les miracles de Moyse, reconnut la puissance de Dieu, et ne changea point de culte : ainsi la veuve de Sarepta, dont élie multiplia l’huile et la farine et ressuscita l’enfant, resta dans sa religion ; car il n’est point dit qu’élie l’engagea à judaïser.
  2. quelques commentateurs ont remarqué qu’élisée, valet d’élie et son successeur en prophétie, fit la même chose en faveur d’un petit enfant, qu’il ne ressuscita qu’après s’être étendu sur lui. L’enfant bailla sept fois, et ouvrit les