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du pain. Addo répondit : je ne peux m’en retourner ni venir avec toi, ni manger du pain, ni boire de l’eau en ce lieu ; car le seigneur m’a parlé dans le verbe du seigneur, disant : tu ne mangeras pain, ni ne boiras eau en ce lieu, et tu ne t’en retourneras pas par la même voie[1]. Le vieux voyant lui répartit ; écoute ; je suis prophete aussi, et semblable à toi ; et un ange m’est venu parler dans le verbe du seigneur, disant : ramene-moi cet homme-là dans ta maison, afin qu’il mange pain et qu’il boive eau. Et ainsi il le trompa, et le ramena avec lui ; et Addo mangea pain et but eau. Et lorsqu’ils étaient assis à table, le verbe du seigneur se fit entendre au prophete qui avait ramené le prophete Addo. Et ensuite le même verbe cria au prophete Addo : homme de Dieu, qui viens de Juda, voici ce que dit le seigneur : parce que tu n’as pas été obéissant à la bouche du seigneur, et que tu n’as point gardé le commandement que le seigneur t’a commandé, et que tu t’en es retourné, et que tu as mangé pain et que tu as bu eau dans le lieu où je t’ai défendu de manger pain et de boire eau, ton cadavre ne sera point porté dans le sépulcre de tes peres… donc après qu’Addo, homme de Dieu eut bu et mangé, le vieux devin sangla son âne pour le ramener… et comme Addo, homme de Dieu, était en chemin, et fut rencontré par un lion, qui le tua ; son corps demeura dans le chemin ; et l’âne se tenait auprès de lui d’un côté, et le lion de l’autre[2].


DÉCLARATION DU COMMENTATEUR.


Dans la crainte où je suis que cette histoire ou ce commentaire ne causent au lecteur un ennui aussi mortel qu'à moi, je passerai tous les assassinats des rois de Juda et d'Israël, qui ne forment qu'un tableau dégoûtant et monotone de guerres civiles

  1. remarquez que dès qu’un homme se disait prophete en Israël, ou en Juda, on le croyait sur sa parole. Nous avons vu qu’il y avait du temps de Saül des troupes de prophetes ; mais on n’était point reçu dans ces bandes, comme on est reçu licentié à Salamanque et à Coïmbre. Dès que le vieillard se dit prophete, Addo le reconnaît pour tel, et se met à manger sans difficulté.
  2. sans l’avanture du lion et de l’âne qui resterent tous deux en sentinelle à côté du corps mort, nous n’aurions fait aucun commentaire sur le prophete Addo, qui n’a pas fait une grande figure dans le monde, et à qui l’on ne peut reprocher que d’avoir eu faim et d’avoir déjeuné mal-à-propos dans un endroit plutôt que dans un autre. On ne peut le ranger que parmi les petits prophetes.