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plus pesant ; si mon pere vous a fouettés avec des verges, je vous fouetterai avec des scorpions. Le peuple, voyant donc que le roi n’avait pas voulu l’entendre, lui répondit : qu’avons-nous à faire à David ton grand-pere ? Quel héritage avons-nous à partager avec le fils d’Isaï ? Allons, Israël, allons-nous-en dans nos tentes ; adieu, David ; pourvois à ta maison comme tu pourras. Et tout Israël s’en alla dans ses tentes[1]. Roboam ne regna donc que dans les bourgs de la tribu de Juda. Or le roi Roboam envoya l’intendant de ses tribus, nommé Aduram ; mais tout le peuple le lapida, et il en mourut… le roi Roboam monta aussitôt sur sa charrette, et s’enfuit à Jérusalem. Et tout Israël se sépara de la maison de David, comme il en est séparé encore aujourd’hui[2]… or tout Israël, sachant que Jéroboam était revenu, le constitua roi ; et personne ne suivit la maison de David, excepté la maison de Juda. Roboam, étant donc à Jérusalem ; assembla la tribu de Juda et celle de Benjamin, et vint avec cent quatre-vingts mille soldats choisis[3] pour combattre contre la maison d’Israël, et pour réduire tout le royaume de Roboam fils de Salomon. Alors Dieu parla à Séméias, homme de Dieu, disant : va parler

  1. tout Israël avait grande raison. Une nation entiere n’aime point à être fouettée avec des scorpions. La maison de David n’était pas meilleure qu’une autre : c’était le fils de l’habitant d’un village ; et les autres familles avaient autant de droit, que la sienne, de se servir de scorpions pour fouetter le peuple ; mais Dieu choisit la famille de David.
  2. ces mots, comme il en est séparé encore aujourd’hui, prouvent que l’auteur sacré écrivait très longtemps après l’événement. Cela prouve encore que, s’il n’était qu’un homme ordinaire, on pourrait douter de tout ce qu’il raconte : mais il était inspiré, comme on sait. Cette scission entre Israël et Juda dura toujours jusqu’à la dispersion des dix tribus, et recommença ensuite entre Samarie et Jérusalem. Delà toutes les prophéties en faveur de Juda par les prophetes du parti de Juda. Delà toutes ces invectives contre les ennemis de Juda, et toutes ces prédictions de la grandeur de Juda, qu’on a ensuite appliquées à Jésu fils de Marie, quand la religion chrétienne a été établie, avec tant de peine et de temps, sur les ruines de la religion judaïque.
  3. voilà une des exagérations incroyables qui se sont glissées dans les livres saints du peuple de Dieu (sans doute par la faute des copistes). Un misérable roitelet de la dixieme partie d’un petit pays barbare pouvait-il avoir une armée de cent quatre-vingts mille combattants ? Les exagérations précédentes, dit-on, sont encore plus incroyables. Il est vrai ; et j’en suis très fâché. Mes deux prédécesseurs ont dit avec raison, que dans ces temps-là rien ne se fesait comme aujourd’hui.