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Et Hiram, roi de Tyr, lui envoyait tous les bois de cedre et de sapin, et tout l’or dont il avait besoin. Et Salomon donna à Hiram vingt villes dans la Galilée… Hiram, roi de Tyr, vint voir ces villes ; mais il n’en fut point du tout content ; et il dit à Salomon ; mon frere, voilà de pauvres villes que vous m’avez données là !…[1]. Le roi Salomon équipa aussi une flotte à ésiongaber, auprès d’élath, sur le rivage de la mer, au pays d’Idumée : et Hiram lui envoya de bons hommes de mer… et étant allés en Ophir, ils en rapporterent quatre cents vingt talents d’or au roi Salomon[2]. La reine de Saba, ayant entendu parler de Salomon, vint le tenter par des énigmes[3]. La reine de Saba donna au roi Salomon six-vingts talents d’or, une quantité très-grande d’aromates et de pierres précieuses. On n’a jamais apporté, depuis ce temps-là, tant de parfums à Jérusalem… le poids de l’or qu’on apportait chaque année à Salomon était du poids de six cents soixante et six talents d’or. Le roi Salomon eut aussi deux cents boucliers d’or pur, et trois cents autres boucliers d’or pur.

  1. on ne sait pas trop où Salomon aurait pris ces vingt villes. Samarie n’existait pas. Jéricho n’était qu’une mazure. Sichem, Béthel, n’étaient pas rebâties ; elles ne le furent que sous Jéroboam. C’étaient apparemment des villages que Salomon donna au roi de Tyr ; et que ce tyrien en ait été content ou non, cela est fort indifférent.
  2. ce voyage d’Ophir est peu de chose. Si vous comptez le talent d’or à cent vingt mille livres de la monnoie de France, ce n’est qu’une affaire de cinquante millions quatre cents mille livres. Les paralipomenes vont bien plus loin : ce livre assure que David, avant sa mort, donna à son fils cent mille talents d’or de ses épargnes, et un million de talents d’argent. Nous comptons le talent d’or à quarante mille écus, et le talent d’argent à deux mille ; ce qui fait juste six milliards d’écus, dix-huit milliards de francs. Ce que Salomon amassa pouvait bien aller à une somme aussi forte. Il est comique de voir un melk, un roitelet juif, avoir à sa disposition trente six milliards de livres françaises, ou neuf milliards d’écus d’Allemagne, ou environ un milliard et demi sterling. On est dégoûté de tant d’exagérations puériles ; cela ressemble à la Jérusalem céleste, qui descend du ciel dans l’apocalypse, et que le bon homme st Justin vit pendant quarante nuits consécutives ; les murailles étaient de jaspe, la ville était d’or, les fondements de pierres précieuses, et les portes de perles.
  3. la reine de Saba, qui vient proposer des énigmes à Salomon, et qui lui fait un petit présent de seize millions huit cents mille livres de France, ou de quatre millions deux cents mille écus d’Allemagne, est bien une autre dame que l’impératrice de Russie. Salomon, qui était fort galant, dut lui faire des présents qui valaient au moins le double. La dixme de tout cet argent appartient aux prêtres. On cherche ce royaume de Saba ; il était sans doute dans le pays d’utopie.