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et David mit la main dans sa panetiere, prit une pierre, la lança avec sa fronde, la pierre s’enfonça dans le front du philistin, et il tomba le visage contre terre… David courut, et se jetta sur le philistin, prit son épée, la tira du foureau, le tua, et coupa sa tête[1]. Les philistins voyant que le plus fort d’entre eux était mort, ils s’enfuirent… et David prit la tête du philistin ; il la porta dans Jérusalem, et il mit ses armes dans sa tente… or lorsque Saül avait vu que David marchait contre le philistin, il dit à Abner prince de sa milice : qui est ce jeune homme ? De quelle famille est-il ? Abner lui répondit : vive ton ame, ô roi ! Je n’en sais rien. Le roi lui dit : va l’interroger ; il faut savoir de qui cet enfant est fils… et lorsque David fut retourné du combat après avoir tué le philistin, Abner le présenta au roi tenant en sa main la tête de Goliath… et Saül lui dit : de quelle famille es-tu ? David lui dit : je suis un des fils d’Isaï ton serviteur, de Bethléem[2]. Or quand David revenait après avoir tué le philistin, les femmes sortirent de toutes les villes d’Israël chantant en chœur et dansant au-devant du roi Saül avec des flûtes, des tambours et des instruments à trois cordes ; elles chantaient dans leurs chansons : Saül en a tué mille, et David dix mille. Cette chanson mit Saül dans une grande colere… le lendemain le soufle malin du seigneur s’empara de Saül ; il prophétisait au milieu de sa maison ; et David jouait de la harpe devant lui comme à l’accoutumée ; et Saül tenait sa lance : il la jetta contre David pour le clouer à la muraille. David se détourna, et évita le coup deux fois…[3].

  1. d’autres critiques disent qu’un caillou, lancé de bas en haut contre un casque d’airain, ne peut s’enfoncer dans le front : c’est une objection vaine.
  2. il est plus difficile de répondre à ceux qui ne peuvent comprendre comment Saül ignore quel est ce David, comment il ne reconnaît point son joueur de harpe, son écuyer, qui portait ses armes. Nous n’avons point de solution pour cette difficulté ; mais considerons que ces contradictions ne sont qu’historiques, et qu’elles ne touchent ni à la foi, ni aux bonnes mœurs. On ne peut comprendre encore comment David porta la tête de Goliath à Jérusalem, qui n’appartenait point alors au peuple de Dieu ; mais c’est une anticipation ; il se peut que David, s’étant emparé plusieurs années après de la place de Jérusalem, y ait porté le crane de Goliath.
  3. l’auteur sacré nous représente ici Saül dans un accès de folie. Quelques commentateurs disent que ce n’était qu’un accès de colere, et qu’il était jaloux de la chanson qu’on chantait à l’honneur de David, et sur-tout de ce qu’il avait été oint en secret.