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sicles (vingt livres) ; et son écuyer marchait devant lui… et il venait crier devant les phalanges d’Israël ; et il disait : si quelqu’un veut se battre contre moi[1], et s’il me tue, nous serons vos esclaves ; mais si je le tue, vous serez nos esclaves… Saül et tous les israélites, entendant le verbe de ce philistin, étaient stupéfaits, et tremblaient de peur. Or David était fils d’un homme d’éphrata, dont il a été parlé ; son nom était Isaï, qui avait huit fils, et qui était fort vieux, et très âgé parmi les hommes. Les trois plus grands de ses fils s’en allerent après Saül pour le combat. David était le plus petit ; et il avait quitté Saül pour venir paître les troupeaux à Bethléem[2]. Cependant ce philistin se présentait au combat le matin et le soir, et resta là debout pendant quarante jours… or Isaï dit à David son fils : tiens, prends un litron de farine d’orge et dix pains, et cours à tes freres dans le camp. Porte aussi dix fromages à leur capitaine, visite tes freres, et vois comme ils se comportent… David se leva dès la pointe du jour, laissa son troupeau à un autre, et s’en alla tout chargé comme son pere lui avait dit, et vint au lieu de Magala où l’armée s’était avancée pour donner bataille, et qui criait déjà bataille… David, ayant donc laissé au bagage tout ce qu’il avait apporté, courut au lieu de la bataille voir comment ses freres se compor-

  1. on remarque qu’en cet endroit l’histoire est interrompue, et que l’auteur sacré passe rapidement de la folie de Saül à des opérations de guerre. Rarement il se sert de transitions. Quelques-uns même affirment que c’est une marque infaillible de l’inspiration, de passer rapidement d’un objet à un autre. La cause, l’objet et les détails de cette guerre ne sont pas exprimés selon notre méthode ; c’est à nous à nous conformer à celle de l’auteur. Ce géant Goliath, qui avait douze pieds et demi de haut, ne doit pas paraître une chose extraordinaire après les géants que nous avons vus dans la genese. Il est vrai que nous ne voyons plus aujourd’hui d’hommes de cette taille ; telle est même la constitution du corps humain, que cette excessive hauteur, en dérangeant toutes les proportions, rendrait ce géant très faible et incapable de se soutenir. Il faut regarder Goliath comme un prodige, que Dieu suscitait pour manifester la gloire de David. La vulgate se sert ici du mot phalange, qui ne fut connu que longtemps après ; c’est une anticipation.
  2. M Huet de Londres dit qu’il n’est pas naturel que David, ayant été fait écuyer du roi, le quittât pour aller paître des troupeaux au milieu de la guerre. Il convient que chez les anciens peuples, et sur-tout chez les premiers romains, il n’était pas rare de passer de la charrue au commandement des armées ; mais il soutient que personne ne quitta jamais l’armée pour mener des brebis paître. Il se peut cependant que le pere de David l’eût appellé auprès de lui pour quelque autre raison, et qu’étant chez son pere il lui eût rendu les mêmes services qu’auparavant.