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Quand ceux d’Israël se virent ainsi pressés, ils se cacherent dans les cavernes, dans les antres, dans les rochers, dans les citernes[1]. Les autres passerent le Jourdain, et vinrent au pays de Gad et de Galaad… et comme Saül était encore à Galgal, tout le peuple qui le suivait fut effrayé. Saül attendit sept jours selon l’ordre de Samuel ; mais Samuel ne vint point à Galgal : et tout le peuple l’abandonnait. Saül dit donc alors : qu’on m’apporte l’holocauste pacifique. Et il offrit l’holocauste ; et à peine eut-il fini d’offrir l’holocauste, voici que Samuel arriva ; et Saül alla au-devant de lui pour le saluer. Samuel lui dit : qu’as-tu fait ? Saül lui répondit : voyant que tu ne venais point au jour que tu m’avais dit, et les philistins étant en armes à Machmas, contraint par la nécessité j’ai offert l’holocauste. Samuel dit à Saül : tu as fais follement ; tu n’as pas gardé les commandements du seigneur ; si tu n’avais pas fait cela, le seigneur aurait affermi pour jamais ton regne sur Israël ; mais ton regne ne subsistera point ; le seigneur a cherché un homme selon son cœur, et il l’a destiné à régner sur son peuple, parce que tu n’as pas observé les commandements du seigneur[2]. Samuel s’en alla ; et Saül ayant fait la revue de ceux qui étaient avec lui, il s’en trouva environ six cents[3]. Même il ne se trouvait point de forgerons dans toutes les terres d’Israël. Car les philistins le leur avaient défendu, de peur que les hébreux ne forgeassent une épée ou une lance ; et

    hazarder de dire que le texte est corrompu ; mais alors on nous répondrait que le seigneur, qui a dicté ce texte, doit en avoir empêché l’altération. Alors nous répondrions, qu’il a prévenu en effet les fautes de copistes dans les choses essentielles, mais non pas dans les détails de guerre, qui ne sont point nécessaires à salut.

  1. les critiques disent, que si Saül avait trois cents trente mille soldats et un prophete, et étant prophete lui-même, il n’avait rien à craindre ; qu’il ne fallait pas s’enfuir dans des cavernes, quoique le pays en soit rempli. Il est à croire qu’on n’avait point alors des armées soudoyées, qui restassent continuellement sous le drapeau.
  2. Mr Huet de Londres déclare, que Samuel ne découvre ici que sa mauvaise volonté. Il prétend, avec Estius et Calmet, que Samuel n’était point grand-prêtre, qu’il n’était que prêtre et prophete ; que Saül l’était comme lui ; qu’il avait prophétisé dès qu’il avait été oint, et qu’il était en droit d’offrir l’holocauste. Samuel, dit-il, semble avoir manqué exprès de parole pour avoir occasion de blâmer Saül, et de le rendre odieux au peuple. Nous ne voyons pas que Samuel mérite cette accusation. Huet peut lui reprocher un peu de dureté ; mais non pas de la fourberie. Cela serait bon s’il avait été prêtre par-tout ailleurs que chez les juifs.
  3. le lecteur est bien surpris de ne plus trouver Saül accompagné que de six cents hommes, lorsque le moment d’auparavant il en avait trois cents trente mille. Nous en avons dit la raison ; les armées n’étaient point soudoyées ; elles se débandaient au bout de quelques jours, comme du temps de notre anarchie féodale.