Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/180

Cette page n’a pas encore été corrigée

son armée en trois corps, et ne cessa d’exterminer Ammon jusqu’à midi…[1]. Alors Samuel dit à tout le peuple d’Israël : vous voyez que j’ai écouté votre voix, comme vous m’avez parlé. Je vous ai donné un roi. Pour moi, je suis vieux, mes cheveux sont blancs… et il se retira [2]. Or Saül était le fils de l’année lorsqu’il commença à régner ; et il régna deux ans sur Israël[3]. Les philistins s’assemblerent pour combattre contre Israël avec trente mille chariots de guerre, six mille cavaliers, et une multitude comme le sable de la mer ; et ils se camperent à Machmas, à l’orient de Bethaven[4].

  1. les incrédules ne sont pas surpris que Saül revînt du labourage ; mais ils ne peuvent consentir à le voir à la tête de trois cents trente mille combattants, dans le même temps que l’auteur dit que les juifs étaient en servitude, qu’ils n’avaient pas une lance, pas une épée ; que les philistins leurs maîtres ne leur permettaient pas seulement un instrument de fer pour aiguiser leurs charrues, leurs hoyaux, leurs serpettes. notre Gulliver, dit le Lord Bolingbroke, a de telles fables, mais non de telles contradictions . Nous avouons que le texte est embarrassant ; qu’il faut distinguer les temps ; que probablement les copistes ont fait des transpositions. Ce qui était vrai dans une année, peut ne l’être pas dans une autre. Peut-être même ces trois cents trente mille soldats peuvent se réduire à trois mille : il est aisé de se méprendre aux chiffres. Le révérend pere Don Calmet s’exprime en ces mots : il est fort croyable qu’il y a un peu d’exagération dans ce qui est dit de Saül et de Jonathas .
  2. M Huet de Londres dit encore, que la retraite de Samuel, en voyant Saül si bien accompagné, prouve assez son dépit de ne plus gouverner. Mais quand cela serait, quand Samuel aurait eu cette faiblesse, quel est le chef d’une église qui ne serait pas un peu fâché de perdre son pouvoir ? Nous verrons cependant que le pouvoir de Samuel ne diminua pas.
  3. le même M Huet se récrie ici sur la contradiction, et sur l’anachronisme : dans d’autres endroits, dit-il, l’écriture marque que Saül régna quarante ans. Il est vrai qu’il y a là une apparence de contradiction ; et Don Calmet lui-même n’a pu concilier les textes. Il se peut qu’il y ait là une erreur de copiste.
  4. Mrs Le Clerc, Freret, Boulanger, Mallet, Bolingbroke, Middleton, se recrient sur ces trente mille chariots de guerre. Le docteur Stakhouse, dans son histoire de la bible, rejette ce passage. Calmet dit, que ce nombre de chariots de guerre paraît incroyable, et qu’on n’en a jamais tant vus à la fois . Pharaon, continue-t-il, n’en avait que six cents ; Jabin roi d’Azor neuf cents ; Sesac roi d’égypte douze cents ; Zarar roi d’éthiopie trois cents, etc. Les critiques contestent encore à Calmet les neuf cents chariots du roi d’Azor. Tous conviennent d’ailleurs, que tout le pays de Canaan ne connut la cavalerie que très tard. Nous avons observé que dans ce pays montueux, entrecoupé de cavernes, on ne se servit jamais que d’ânes. Quand nous mettrions trois mille chariots au lieu de trente mille, nous ne contenterions pas encore les incrédules. Nous ne connaissons point de maniere d’expliquer cet endroit. Nous pourrions