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répondit à Saül, disant : c’est moi qui suis le voyant ; monte avec moi au lieu haut, afin que tu manges aujourd’hui avec moi ; et je te renverrai demain matin, et je te dirai tout ce que tu as sur le cœur… or Samuel prit une petite fiole d’huile, et il la répandit sur la tête de Saül, et le baisa, et dit : voilà que le seigneur t’a oint en prince ; et tu délivreras son peuple de la main de ses ennemis[1]. Et voici le signe qui t’apprendra que Dieu t’a oint en prince. Tu rencontreras, en t’en retournant, deux hommes près du sépulcre de Rachel ; et ils te diront qu’on a retrouvé tes ânesses ;… tu viendras après à l’endroit nommé colline de Dieu, où il y a garnison philistine ; et quand tu seras entré dans le bourg, tu rencontreras un troupeau de prophetes descendants de la montagne, avec des psaltérions, des flûtes et des harpes ;… et l’esprit du seigneur tombera sur toi, et tu prophétiseras avec eux, et tu seras changé en un autre homme… et lorsque Saül fut venu à

  1. le savant Don Calmet examine d’abord, si l’huilier que Samuel avait dans sa poche, était un pot de terre, un godet, ou une fiole de verre ; quoique les juifs ne connussent point le verre ; et il ne résout point cette question. Non seulement Samuel a une révélation que les ânesses de Saül sont retrouvées, mais il répand une bouteille d’huile sur la tête de Saül en signe de sa royauté ; et c’est delà que tout roi juif s’est depuis nommé oint, christ, dans les traductions grecques, et que les juifs ont appellé les grands rois, de Babylone, et de Perse, du nom d’oint, de christ, d’oint du seigneur, christ du seigneur. Il est dit dans le lévitique, qu’Aaron, tout prévaricateur, tout apostat qu’il était, fut oint par Mosé en qualité de grand-prêtre. Il se peut, en effet, que dans le désert, au milieu d’une disette affreuse, on eût trouvé une cruche d’huile que Mosé répandit sur les cheveux, la barbe et les habits d’Aaron : cette cérémonie convenait à un peuple pauvre ; et puisque le dieu du ciel et de la terre y présidait, elle était sacrée. Les grands-prêtres juifs furent installés depuis avec la même onction d’huile. Toute cérémonie doit être publique ; Samuel pourtant n’huila pas d’abord la tête de Saül devant le peuple ; il crut apparemment qu’il ne pouvait imprimer un caractere plus auguste à Saül qu’en l’oignant de la même huile dont on prétend que lui Samuel avait été oint : cependant il n’est point dit que Samuel fut oint. Quoiqu’il en soit, les rois juifs furent les seuls qui reçurent cette marque de la royauté. On ne connaît dans l’antiquité aucun prince oint par ses sujets. On prit cette coutume en Italie ; et l’on croit que ce furent les usurpateurs lombards, qui, devenus chrétiens, voulurent sanctifier leur usurpation en fesant répandre de l’huile sur leur tête par la main d’un évêque. Clovis ne fut pas oint ; mais l’usurpateur Pepin le fut. On oignit quelques rois espagnols ; mais il y a longtems que cet usage est aboli en Espagne. On sait qu’un ange apporta du ciel une bouteille sainte pleine d’huile pour sacrer les rois de France ; mais l’histoire de cette bouteille, appellée sainte ampoule, est révoquée en doute par plusieurs doctes : c’est une grande question.